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Med Sci (Paris)
Volume 26, Number 10, Octobre 2010
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Page(s) | 792 - 794 | |
Section | Nouvelles | |
DOI | https://doi.org/10.1051/medsci/20102610792 | |
Published online | 15 October 2010 |
Reprogrammation nucléaire et pluripotence
L’étrange cas des cellules souches d’épiblaste
Nuclear reprogramming and pluripotency : the case of epiblast stem cells
INRA, UMR 1198, Biologie du développement et reproduction, bâtiment 230, Domaine de Vilvert, 78350 Jouy-en-Josas, France
Épiblaste précoce et épiblaste tardif, deux sources de cellules souches pluripotentes
La pluripotence est définie par la capacité d’une cellule à se différencier dans les trois lignages primaires issus de la gastrulation, le mésoderme, l’endoderme et l’ectoderme [12]. Dans l’embryon, la pluripotence est un état transitoire qui se met en place au stade blastocyste lorsque le trophoblaste, premier tissu extraembryonnaire, se différencie de la masse cellulaire interne (ICM) qui contient les cellules pluripotentes de l’épiblaste. Cet épiblaste se sépare alors d’un autre lignage extra-embryonnaire, l’endoderme primitif, et prend une structure épithé liale. La pluripotence de l’épiblaste prend fin avec la gastrulation [13, 14] (→).
(→) Voir l’article d’Emmanuelle Kieffer et al., page 848 de ce numéro
Cette courte fenêtre temporelle se situe chez la souris entre les jours 3 et 7 postcoïtum et est marquée également par l’implantation de l’embryon dans l’utérus maternel à 4,5 jours. De cette structure transitoire qu’est l’épiblaste peuvent être dérivées des cellules souches qui elles, maintiennent indéfiniment la pluripotence. Les cellules souches embryonnaires (ES) sont issues de l’épiblaste précoce de l’ICM et les cellules EpiSC de l’épiblaste plus tardif, prégastrulation (Figure 1). Pendant le développement de l’ICM en épiblaste, la pluripotence cellulaire doit être maintenue malgré l’influence contraire de nombreux signaux de différenciation venus de l’épiblaste lui-même et des tissus extra-embryonnaires qui l’entourent après l’implantation. Les modifications épigénétiques, telles que la méthylation de l’ADN ou les modifications d’histones (par méthylation, phosphorylation ou acétylation), jouent un rôle majeur dans ce processus, comme le montre la létalité embryonnaire à cette période en l’absence de différents modificateurs épigénétiques [1]. Entre autres, la méthylation de novo de l’ADN a lieu pendant cette période périimplantatoire et aboutit à un épiblaste globalement hyperméthylé par rapport aux tissus extra-embryonnaires. Or, la méthylation de l’ADN est le plus souvent associée à la répression de l’expression génique. Les cellules ES et EpiSC doivent refléter ces différences épigénétiques même si chacune diffère de son tissu d’origine en raison de leur nature même de lignée cultivée et immortelle. Elles présentent effectivement entre elles des différences notables du niveau d’expression de gènes ainsi que de leur profil épigénétique [2, 3]. En outre, ces deux types de cellules souches pluripotentes semblent avoir une nature différente qui reflète ces deux états de l’épiblaste dont elles sont issues. Des études récentes tendent à présenter l’état pluripotent des cellules ES comme étant leur état fondamental (ground state), ne résultant pas de l’action de facteurs de croissance mais au contraire du blocage de signaux endogènes ou exogènes qui entraînent leur engagement dans un lignage [4]. Les EpiSC, quant à elles, requièrent la présence de deux facteurs, l’activine et le FGF (fibroblast growth factor) qui sont directement impliqués dans le maintien de leur autorenouvellement et de leur pluripotence [5]. Malgré ces différences notables, les ES se convertissent spontanément en EpiSC simplement en changeant leur milieu de culture. À l’inverse, les EpiSC peuvent également revenir à l’état ES, mais plus difficilement, ce qui est cohérent par rapport au sens de la trajectoire du développement (Figure 1) [6].
Figure 1 Les cellules souches pluripotentes embryonnaires de souris et leur reprogrammation. Les cellules ES et EpiSC sont issues de l’embryon au stade blastocyste (3,5 dpc) et au stade « œuf cylindre » (6,5 dpc). Le tissu pluripotent, l’épiblaste, est en rouge. Le préfixe FT ou NT indique leur origine, embryon issu de fécondation (F) ou de clonage par transfert nucléaire (NT). Les flèches bleues indiquent la possibilité de conversion (aisée) ES vers EpiSC et de réversion (difficile, pointillé) EpiSC vers ES. |
Lignées de cellules souches pluripotentes ES et EpiSC dérivées d’embryons clonés
La reprogrammation nucléaire d’une cellule somatique permet à celle-ci de retourner à un état embryonnaire pluripotent voire totipotent, c’est-à-dire capable de reformer un organisme entier. Cela peut être réalisé par le transfert du noyau dans un cytoplasme ovocytaire, ou « clonage ». Cette reprogrammation est peu efficace et source de nombreuses erreurs qui perturbent le développement de l’embryon reconstitué. Dès les premières étapes du développement, diverses anomalies ont été mises en évidence : lors de la réorganisation du noyau après son introduction dans le cytoplasme receveur, lors de la mise en route du génome embryonnaire, dans la dynamique de remodelage des marques épigénétiques [7, 8]. Lors de la première différenciation au stade blastocyste, l’expression d’Oct4 un facteur de transcription essentiel au maintien de la pluripotence [15] - est réduite dans une partie des embryons clonés. En outre, certains embryons présentent des anomalies morphologiques qui affectent la taille ou la forme de l’épiblaste [9, 10].
Dans quelle mesure ces anomalies affectent-elles la pluripotence dans l’embryon, et plus spécifiquement sa capacité à donner naissance à des cellules souches pluripotentes ? Quand le blastocyste entier, ou directement son ICM, sont mis en culture, ils forment une excroissance qui prolifère et dont on peut éventuellement dériver des cellules ES. En accord avec les anomalies d’expression d’Oct4, une partie des blastocystes clonés ne peuvent former cette excroissance et dégénèrent rapidement. Cependant, ceux qui se maintiennent et prolifèrent présentent la même potentialité de dérivation en cellules ES que des embryons fécondés [11]. De même, le taux de dérivation de lignées EpiSC est identique que ce soit à partir d’épiblastes obtenus par clonage ou après fécondation. Ces lignées expriment correctement les marqueurs associés à leur nature, c’est-à-dire les facteurs de transcription Oct4, Sox2, Nanog. Elles ont démontré leur capacité à générer des cellules différenciées dans les trois lignages embryonnaires.
Erreurs de reprogrammation dans les lignées EpiSC issues d’embryons clonés
Ainsi des lignées de cellules souches pluripotentes peuvent être dérivées d’embryons clonés, indiquant que la pluripotence de l’épiblaste n’est pas fondamentalement affectée. Du fait de leur application possible en médecine régénérative, les cellules ES dérivées de clones (appelées NT-ES pour nuclear transfer-ES) ont été analysées en détail. Les différentes études ont clairement montré que les NT-ES sont très similaires aux cellules issues d’embryons fécondés (FT-ES) : aucune différence dans leur profil transcriptionnel et épigénétique n’a pu être imputée à l’effet du clonage. Ces cellules semblent donc fidèlement reprogrammées. En revanche, nous venons de monter que des lignées d’EpiSC issues de clones présentent des anomalies dans l’expression d’un certain nombre de gènes (111 gènes, soit 0,7 % des gènes exprimés [9]). De façon notable, la majorité de ceux-ci sont sous-exprimés. Parmi les plus fortement dérégulés, on trouve sept gènes soumis à empreinte, pour lesquels l’allèle exprimé dépend de son origine parentale. Pour six d’entre eux, c’est l’allèle paternel qui normalement s’exprime. Nous avons pu montrer pour deux d’entre eux que les îlots CpG situés dans leur promoteur étaient hyperméthylés, conduisant ainsi à une expression quasi-nulle dans deux des lignées NT-EpiSC (Figure 2). De même, la répression de l’expression d’un autre gène, non soumis à empreinte, a été également corrélée à une hyperméthylation. Il est aussi troublant de noter que ces mêmes anomalies sont retrouvées dans deux lignées issues de deux expériences de transfert nucléaire indépendantes.
Figure 2 Analyse de la méthylation de l’ADN des lignées EpiSC. L’hyperméthylation des CpG au niveau de la séquence promotrice des gènes soumis à empreinte explique la répression de leur expression dans les lignées NT-EpiSC anormales. Dans cet exemple, dans les EpiSC, l’allèle paternel est exprimé et non méthylé, au contraire de l’allèle maternel. Dans les NTEpiSC, les deux allèles sont méthylés. |
Ces résultats sont importants car ils montrent que selon le stade embryonnaire d’où sont issues les cellules souches pluripotentes, la reprogrammation par transfert nucléaire peut être fidèle comme dans le cas des NT-ES ou au contraire entachée d’erreurs dans le cas des NT-EpiSC. Ces expériences de reprogrammation nucléaire par clonage mettent bien en évidence la plasticité du génome. Elles sont à l’origine des expériences qui ont conduit à l’apparition des cellules souches pluripotentes induites (iPS). Mais la situation contrastée que nous avons exposée rend aussi compte des limites probables de cette reprogrammation. Les anomalies détectées dans certaines NT-EpiSC font de ces dernières un modèle innovant d’analyse de cette reprogrammation.
Conflit d’intérêts
Les auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêts concernant les données publiées dans cet article.
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Liste des figures
Figure 1 Les cellules souches pluripotentes embryonnaires de souris et leur reprogrammation. Les cellules ES et EpiSC sont issues de l’embryon au stade blastocyste (3,5 dpc) et au stade « œuf cylindre » (6,5 dpc). Le tissu pluripotent, l’épiblaste, est en rouge. Le préfixe FT ou NT indique leur origine, embryon issu de fécondation (F) ou de clonage par transfert nucléaire (NT). Les flèches bleues indiquent la possibilité de conversion (aisée) ES vers EpiSC et de réversion (difficile, pointillé) EpiSC vers ES. |
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Figure 2 Analyse de la méthylation de l’ADN des lignées EpiSC. L’hyperméthylation des CpG au niveau de la séquence promotrice des gènes soumis à empreinte explique la répression de leur expression dans les lignées NT-EpiSC anormales. Dans cet exemple, dans les EpiSC, l’allèle paternel est exprimé et non méthylé, au contraire de l’allèle maternel. Dans les NTEpiSC, les deux allèles sont méthylés. |
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