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Med Sci (Paris)
Volume 25, Number 3, Mars 2009
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Page(s) | 213 - 214 | |
Section | Nouvelles | |
DOI | https://doi.org/10.1051/medsci/2009253213 | |
Published online | 15 March 2009 |
Rôle majeur pour p27 dans l’activité anti-tumorale d’un inhibiteur du protéasome
Critical role for p27 in mediating the antitumoral activity of a proteasome inhibitor
Université de Toulouse ; LBCMCP ; 118, route de Narbonne, 31062 Toulouse Cedex 09, France
CNRS , LBCMCP-UMR 5088, Batiment 4R3b1 , 31062 Toulouse, France
p27 : plus qu’un inhibiteur des CDK (cyclin-dependent kinase)
p27Kip1 (p27) contrôle la progression dans le cycle cellulaire en liant et inactivant les complexes cycline-CDK (cyclin-dependent kinase) [1]. En vertu de ce rôle d’inhibiteur de la prolifération cellulaire, p27 est un suppresseur de tumeur. Contrastant avec ce qui est observé pour des suppresseurs de tumeurs classiques comme p53, l’apparition de mutations dans le gène codant p27 au cours de processus tumoraux chez l’homme est quasi-inexistante. En revanche, une dérégulation de l’expression de p27 y est fréquemment associée. Dans les tumeurs humaines, la quantité de p27 dans le noyau est réduite : soit parce que p27 est délocalisé du noyau vers le cytoplasme, soit parce que sa dégradation protéolytique est augmentée. De plus, le faible niveau de p27 et sa localisation cytoplasmique ont pu être corrélés à des tumeurs de haut grade et de mauvais pronostic [2, 3]. Ces observations suggèrent donc que la perte partielle de l’expression de p27 est un processus favorable au développement tumoral. Plus récemment, d’autres fonctions de p27, indépendantes de l’inhibition des complexes cycline-CDK, ont été décrites. Ainsi, nous avons montré que p27 pouvait moduler la migration cellulaire en régulant directement l’activation de la petite GTPase RhoA [4, 5]. p27 a également été impliqué dans l’apoptose, et notamment dans la résistance à l’apoptose induite par la chimiothérapie ou l’irradiation. Cependant, sa fonction exacte dans ce processus, pro- ou anti-apoptotique selon les études, reste floue et controversée [3].
Un inhibiteur du protéasome et p27 se liguent pour combattre le développement tumoral
Les travaux de Nickeleit et al., publiés récemment dans Cancer Cell ont permis, par criblage de petites molécules, d’identifier une substance, l’argyrin A, capable d’augmenter le niveau de p27 dans les cellules tumorales [6]. Les auteurs ont remarqué que l’ajout d’argyrin A conduit à la stabilisation de p27. Des expériences in vitro et in vivo ont pu définir l’argyrin A comme un inhibiteur du protéasome. Le traitement par cet inhibiteur conduit à deux effets distincts en fonction du type cellulaire utilisé : d’une part, à un arrêt de la prolifération probablement dû à la stabilisation de p27, et d’autre part à l’apoptose. De manière surprenante, il apparaît que l’induction de l’apoptose par l’argyrin A est strictement dépendante de la présence de p27 : cette réponse n’est pas observée en son absence, que ce soit dans des fibroblastes issus de souris knock-out pour p27 ou dans des cellules Hela exposées à un siARN dirigé contre p27. Mais cet effet de p27 sur l’apoptose induite par l’argyrin A est indépendant de sa fonction de régulation des complexes cycline-CDK, puisque des fibroblastes de souris exprimant une forme mutante de p27 (p27CK-), incapable d’interagir avec les complexes cycline-CDK, meurent après leur exposition à l’argyrin A. En revanche, cet effet nécessite l’activation de la caspase-3. Ces résultats se vérifient également in vivo dans un modèle de xénogreffe de cellules de carcinome du côlon dans le flanc de souris. Lorsque ces animaux sont traités par l’argyrin A, la taille des tumeurs diminue en raison de l’apoptose massive du tissu tumoral. Un des mécanismes proposé par les auteurs est l’interférence de l’argyrin A avec la formation de nouveaux vaisseaux sanguins, notamment via une réduction de l’expression du facteur angiogénique VEGF (vascular endothelial growth factor). L’argyrin A ciblerait aussi l’intégrité des vaisseaux sanguins tumoraux préexistants en diminuant l’adhérence des cellules endothéliales ce qui conduit à l’occlusion de ces vaisseaux. Ces effets sur le système vasculaire semblent également requérir la présence de p27 et feraient intervenir son action directe sur la voie de signalisation de la GTPase RhoA, altérant le cytosquelette d’actine et les adhésions focales [5].
La conclusion majeure de cette étude est l’identification d’un rôle crucial de p27 dans l’activité anti-tumorale de l’argyrin A, un nouvel inhibiteur du protéasome. Plusieurs mécanismes y concourent : l’arrêt de la prolifération, l’apoptose ou encore l’inhibition de l’angiogenèse (Figure 1). p27 a déjà été impliqué dans l’activation du processus apoptotique, mais ces travaux se fondaient sur l’effet de la surexpression de p27 via un adénovirus, entraînant des taux de p27 non physiologiques [7–9], et le mécanisme impliqué n’a jamais été examiné. Ces nouvelles données enrichissent le débat sur ce rôle pro-apoptotique de p27, notamment en montrant que son activité inhibitrice envers les complexes cycline-CDK n’est pas requise. En revanche, l’activation de la caspase-3 et la voie apoptotique intrinsèque faisant intervenir la libération de cytochrome C de la mitochondrie semblent être essentielles à l’induction de l’apoptose par p27. Néanmoins, le mécanisme précis par lequel p27 exerce cette fonction reste à déterminer.
Figure 1. L’activité anti-tumorale de l’argyrin A dépend de p27. L’argyrin A inhibe la sous-unité 20S du protéasome ce qui conduit, entre autres, à une stabilisation de p27. Cette stabilisation de p27 induit d’une part l’activation de la caspase-3 et l’apoptose des cellules tumorales. D’autre part, p27 inhibe l’expression du VEGF et diminue l’angiogenèse. L’argyrin A diminue l’adhérence des cellules endothéliales des vaisseaux sanguins tumoraux via l’action inhibitrice de p27 sur la voie de signalisation de RhoA ; il en résulte une diminution du nombre de fibres de stress d’actine et d’adhésions focales dans ces cellules. De manière générale, l’argyrin A diminue donc la vascularisation tumorale et augmente l’apoptose dans le tissu tumoral, tout cela de manière p27 dépendante. |
Activités anti-tumorales des inhibiteurs du protéasome
L’activité anti-tumorale de l’argyrin A est comparable à celle d’un autre inhibiteur du protéasome, le bortezomib, utilisé actuellement en clinique [10]. Cependant, ces inhibiteurs agissent par des mécanismes distincts pour induire l’apoptose des cellules tumorales, puisque l’effet du bortezomib est indépendant de p27. L’analyse du profil d’expression génique de cellules traitées par l’un ou l’autre de ces inhibiteurs révèle que le bortezomib altère l’expression d’un grand nombre de gènes (10 900) alors que l’argyrin A ne modifie l’expression que d’environ 500 gènes. L’argyrin A apparaît donc comme un inhibiteur bien plus spécifique du protéasome que ne l’est le bortezomib ; de fait, les profils d’expression génique induits par l’invalidation spécifique de sous-unités du protéasome sont similaires au profil observé en réponse à l’argyrin A. Cette plus grande spécificité de l’argyrin A le rend moins toxique in vivo. En effet, aucun signe d’inconfort ou de perte de poids n’a été observé chez les souris traitées par l’argyrin A alors que des effets secondaires importants ont été observés chez les souris traitées par le bortezomib. Son activité anti-tumorale et sa faible toxicité font donc de l’argyrin A un candidat prometteur en thérapie anticancéreuse. De plus, le niveau d’expression de p27 pourrait être utilisé comme un marqueur prédictif de réponse à l’argyrin A, p27 étant déjà un marqueur pronostic avéré dans plusieurs types de cancers [2].
Enfin, indépendamment de sa régulation des complexes cycline-CDK, p27 participerait activement aux mécanismes essentiels du développement tumoral que sont l’apoptose et l’angiogenèse. Ces données s’ajoutent aux précédentes qui impliquaient p27 dans la migration et le processus métastatique, et font de p27 un protagoniste incontournable de la progression tumorale.
Références
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- Orlowski RZ, Kuhn DJ. Proteasome inhibitors in cancer therapy : lessons from the first decade. Clin Cancer Res 2008; 14 : 1649–57. [Google Scholar]
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Figure 1. L’activité anti-tumorale de l’argyrin A dépend de p27. L’argyrin A inhibe la sous-unité 20S du protéasome ce qui conduit, entre autres, à une stabilisation de p27. Cette stabilisation de p27 induit d’une part l’activation de la caspase-3 et l’apoptose des cellules tumorales. D’autre part, p27 inhibe l’expression du VEGF et diminue l’angiogenèse. L’argyrin A diminue l’adhérence des cellules endothéliales des vaisseaux sanguins tumoraux via l’action inhibitrice de p27 sur la voie de signalisation de RhoA ; il en résulte une diminution du nombre de fibres de stress d’actine et d’adhésions focales dans ces cellules. De manière générale, l’argyrin A diminue donc la vascularisation tumorale et augmente l’apoptose dans le tissu tumoral, tout cela de manière p27 dépendante. |
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