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Issue
Med Sci (Paris)
Volume 25, Mars 2009
Évaluation des risques et perspectives thérapeutiques en oncologie colorectale
Page(s) 9 - 12
Section La place du ciblage thérapeutique
DOI https://doi.org/10.1051/medsci/2009251s9
Published online 15 January 2009

© 2009 médecine/sciences - Inserm / SRMS

Du point de vue histologique, le diagnostic du cancer du côlon est simple : c’est un adénocarcinome développé à partir des glandes de Lieberkühn qui ne pose pas de difficulté diagnostique. Différents grades sont définis, correspondant à des degrés de différenciation variables de la tumeur, fonction de sa ressemblance avec l’épithélium glandulaire normal et de la richesse en formations glandulaires.

  • Les tumeurs bien différenciées sont uniquement constituées de structures glandulaires, proches des glandes de Lieberkühn.

  • Les tumeurs moyennement différenciées comportent de nombreuses structures glandulaires (avec lumière) et des zones plus compactes.

  • Les tumeurs peu différenciées présentent peu de lumières glandulaires et un stroma qui est souvent réduit (aspect compact).

Selon leur aspect morphologique, on distingue différents types histologiques. On peut citer l’adénocarcinome colloïde et le carcinome à cellules isolées, qui sont également observés dans d’autres organes, et deux formes histologiques particulières, spécifiques du côlon, le carcinome médullaire et l’adénocarcinome festonné.

Deux formes histologiques particulières

Le carcinome médullaire

C’est un cancer rare, constitué de plages de cellules très cohésives dans lesquelles il n’existe plus aucune structure glandulaire. Les cellules sont régulières mais les limites cytoplasmiques imprécises. C’est un aspect dit « syncytial ». Les noyaux sont souvent vésiculeux, les atypies modérées, les mitoses nombreuses et il existe de nombreux lymphocytes intra-épithéliaux. Ce cancer présente constamment une instabilité microsatellitaire de l’ADN (MSI) avec une perte d’expression de protéines du système de réparation des mésappariements de l’ADN (MMR). Cet aspect morphologique est pathognomonique de l’instabilité de type MSI [1].

L’adénocarcinome « festonné »

C’est une tumeur d’apparence classique, généralement bien ou moyennement différenciée, avec de nombreuses glandes tumorales lieberkuhniennes. En revanche, l’architecture de la lumière des glandes est particulière, dite festonnée, crénelée, ou encore dentelée (serrated en anglais). L’adénocarcinome festonné fait partie du spectre des tumeurs festonnées du côlon parmi lesquelles on distingue :

  • la forme strictement bénigne qui est le polype hyperplasique avec aspect festonné des glandes en superficie du polype ;

  • le polype mixte avec un contingent hyperplasique et un contingent dysplasique de type adénomateux ;

  • l’adénome festonné constitué d’une prolifération de cellules dysplasiques, avec une architecture festonnée sur la totalité de la lésion ;

  • l’adénome festonné sessile, localisé généralement dans le côlon droit, est souvent de grande taille et caractérisé par un aspect festonné des glandes sur toute la hauteur du polype avec des glandes dilatées et des images de pseudo-infiltration en profondeur.

Parmi les différentes tumeurs d’architecture festonnée, l’adénome festonné sessile est la tumeur qui présente le plus haut risque de transformation en adénocarcinome dit festonné. Il faut cependant savoir que l’adénocarcinome festonné ne conserve pas systématiquement ce caractère architectural. Cette transformation ne passe pas par les grades de dysplasie des adénomes classiques (dysplasie de bas grade et dysplasie de haut grade) mais semble se dérouler selon un mode spécifique. Ces deux tumeurs, adénome festonné sessile et adénocarcinome festonné, présentent des caractéristiques moléculaires particulières, avec une fréquence importante de méthylation des îlots CpG, un profil MSI de niveau variable, consécutif à une absence d’expression par hyperméthylation du promoteur du gène MLH1 (MutL, E. coli, Homolog of) ou du gène MGMT (methylguanine-DNA methyltransferase), et une fréquence importante de mutations du gène BRAF (v-Raf murine sarcoma viral oncogene homolog B1) [2].

Facteurs histopronostiques validés

Les facteurs pronostiques histologiques peuvent être classés en trois grands groupes.

  • Les facteurs morphologiques que l’on évalue avec un microscope optique standard, après coloration par hématéine-éosine.

  • Les marqueurs protéiques, évalués par l’immunohistochimie (IHC), mesurent le niveau d’expression de multiples protéines dans la tumeur.

  • Les marqueurs génotypiques, par des techniques de génétique moléculaire ou d’hybridation fluorescente in situ (FISH).

Le seul paramètre d’évaluation pronostique aujourd’hui incontesté et indispensable à la prise en charge des patients est le stade pTNM, tel qu’il est défini pour le cancer du côlon dans la classification UICC (Union Internationale Contre le Cancer) de 2002, qui renseigne sur :

  • le niveau d’extension de la tumeur dans la paroi et son grade ;

  • l’envahissement ganglionnaire, mesuré après examen d’au minimum 12 ganglions;

  • l’envahissement des marges de résection ;

  • la présence d’emboles vasculaires, veineux ou lymphatiques.

Ces différents critères sont normalisés et doivent être consignés dans un compte rendu standardisé d’analyse anatomo-pathologique de toute les pièces d’exérèse chirurgicale de cancer colorectal.

Autres facteurs pronostiques

Les autres facteurs morphologiques

Dans ce groupe, il y a essentiellement des facteurs qui évaluent la relation hôte-tumeur, tels que la fibrose du stroma, l’infiltrat inflammatoire, le mode d’invasion de la tumeur dans la paroi colique et les phénomènes de bourgeonnement tumoral (budding pour les Anglo-Saxons). Les très nombreuses études réalisées sur ces différents paramètres, pour la plupart rétrospectives, ont toujours indiqué qu’ils avaient une valeur pronostique. Mais leur évaluation n’étant pas consensuelle, aucun n’est pris en considération à ce jour pour la décision thérapeutique. Ils ne sont donc pas inclus dans le compte rendu standardisé, ce qui ne permet aucune évaluation prospective.

Bourgeonnement tumoral

Ce phénomène concerne le mode d’infiltration de la tumeur dans la paroi. Sa définition est la présence de 1 à 4 cellules infiltrant le stroma de façon isolée sur le front d’invasion de la tumeur (Figure 1).

thumbnail Figure 1.

A. Deux glandes bien différenciées et quelques cellules atypiques peu visibles (flèche) au sein d’une intense réaction inflammatoire stromale vues après coloration classique (hémalun éosine). B. Après marquage avec un anticorps anti-cytokératine, il est possible de repérer d’autres cellules, qui confirment les caractéristiques du bourgeonnement tumoral.

Le bourgeonnement tumoral est un facteur de mauvais pronostic. Ses propriétés sont similaires à celles des cellules souches malignes ; sa présence est liée à une plus grande fréquence de mutations du gène KRAS (v-ki-ras2 kirsten rat sarcoma viral oncogene homolog) et, à l’inverse, l’absence de bourgeon tumoral est corrélée à un nombre important de lymphocytes intra-tumoraux [3]. La quantification reste cependant difficile, eu égard à l’échelle et à la technique de mesure : nombre de bourgeons comptés, nombre de champs explorés, grossissement, évaluation sur coloration de routine ou après immunomarquages des cytokératines… et la grande variabilité des scores ne permet pas une application en routine.

Infiltrat inflammatoire

La réaction inflammatoire de type « Crohn-like » (terme impropre) se caractérise par la présence de follicules lymphoïdes sur le front d’invasion de la tumeur et entre les glandes tumorales, au sein de la réaction stromale. Nous devons les premières descriptions à J.R. Jass en 1975. La présence de follicules lymphoïdes est un marqueur de bon pronostic, mais l’évaluation de la réponse inflammatoire est plus complexe car elle doit prendre également en considération la présence de macrophages, de lymphocytes intra-tumoraux, de cellules NK et des différents sous-types lymphocytaires. L’appréciation de la réaction inflammatoire au sein des tumeurs se heurte à des difficultés d’évaluation quantitative et qualitative similaires à celles rencontrées dans l’évaluation des bourgeons tumoraux. Aussi, cette caractéristique n’est pas recueillie systématiquement dans le bilan d’évaluation pronostique des pièces opératoires. Une amélioration de la méthode consisterait à procéder à un marquage des lymphocytes T « mémoire » selon des travaux récents de l’équipe de Franck Pagès [4].

Marqueurs protéiques

L’immunohistochimie est un outil très attractif, qui permet d’évaluer la prolifération, la matrice extracellulaire, la différenciation, le système MMR (mismatch repair) par exemple, sans restriction car la technique est relativement simple et standardisée. Entre autres, bien que la protéine p53 soit aisément analysable, sa détection ne constitue pas un élément qui module la prise en charge thérapeutique du cancer colorectal. Les raisons de l’échec de l’utilisation de cette technique en routine sont, comme précédemment, liées à l’absence de standardisation de l’interprétation (évaluation non quantitative, seuil de positivité variable), ce qui ne permet pas de combiner leur analyse avec l’analyse morphologique conventionnelle.

Marqueurs génotypiques

La liste est longue et les techniques d’analyse multiples, aussi n’allons-nous aborder que le plus consensuel, le profil MSI (microsatellite instability). Il est reconnu que le profil MSI est un marqueur de bon pronostic. Toutes les études convergent sur ce point. Il existe par ailleurs de bons arguments pour son caractère prédictif d’une mauvaise réponse au 5-FU, mais des études prospectives sont encore nécessaires.

En conclusion

Il existe de nombreux paramètres d’évaluation pronostique complémentaires à l’analyse morphologique standard, mais aucun n’est utilisé en pratique clinique. Les plus prometteurs sont ceux qui ont été détaillés, le bourgeonnement tumoral, la réaction immunitaire et le profil MSI. Les pratiques d’interprétation devront être homogénéisées, sur la base de critères rigoureux, tenant compte du stade pTNM des tumeurs, la présence des facteurs pronostiques ne devant être recherchée que lorsqu’ils apportent une information indépendante du stade pTNM. Ces pratiques devront également considérer l’indication médicale, et tirer avantage d’une combinaison pour améliorer la qualité des estimations [5].

Références

  1. Hamilton SR, Vogelstein B, Kudo S, et al. Carcinoma of the colon and rectum. World Health Organisation. Classification of tumors. Pathology and genetics of tumours of the digestive system. Lyon : IARC Press, 2000 : 105–19. [Google Scholar]
  2. Mäkinen MJ. Colorectal serrated adenocarcinoma. Histopathology 2007; 50 : 131–50. [Google Scholar]
  3. Prall F. Tumour budding in colorectal carcinoma. Histopathology 2007; 50 : 151–62. [Google Scholar]
  4. Galon J, Fridman WH, Pages F. The adaptive immunologic microenvironment in colorectal cancer: a novel perspective. Cancer Res 2007; 67 : 1883–6. [Google Scholar]
  5. Zlobec I, Lugli A. Prognostic and predictive factors in colorectal cancer. J Clin Pathol 2008; 61 : 561–9. [Google Scholar]

Liste des figures

thumbnail Figure 1.

A. Deux glandes bien différenciées et quelques cellules atypiques peu visibles (flèche) au sein d’une intense réaction inflammatoire stromale vues après coloration classique (hémalun éosine). B. Après marquage avec un anticorps anti-cytokératine, il est possible de repérer d’autres cellules, qui confirment les caractéristiques du bourgeonnement tumoral.

Dans le texte

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