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Issue
Med Sci (Paris)
Volume 25, Mars 2009
Évaluation des risques et perspectives thérapeutiques en oncologie colorectale
Page(s) 42 - 44
Section Les projets génome de génomique et de génétique
DOI https://doi.org/10.1051/medsci/2009251s42
Published online 15 January 2009

© 2009 médecine/sciences - Inserm / SRMS

Les études d’association dans les cancers du sein et de la prostate

Les études familiales explorent un espace où les fréquences alléliques sont relativement rares, mais où les risques relatifs sont élevés, qui se traduisent par la présence de structures familiales (Figure 1). Les recherches génomiques explorent le reste, et l’on sait qu’en dessous d’un certain risque, même si la fréquence allélique est importante, d’énormes groupes de cas et de témoins seraient nécessaires pour les repérer. Les recherches d’associations se situent donc dans la zone des fréquences alléliques et des risques relatifs intermédiaires.

thumbnail Figure 1.

Paramètres influençant le type et l’efficacité des recherches de gènes de prédisposition.

Les travaux sur le cancer du côlon ont été réalisés grâce à la création d’un consortium européen autour de l’équipe de Richard Houlston, qui a permis le recueil de la ressource nécessaire. Cette approche a également été appliquée pour les cancers du sein et de la prostate et un ensemble de 14 000 cas de cancers de la prostate et presque 13 000 cas de témoins a été réuni par un consortium international autour du NCI. L’exigence statistique pour déclarer par cette approche un locus associé à l’augmentation du risque de cancer est actuellement de 10-7. En effet, les observations ne sont pas reproductibles pour des seuils moindres [14]. Les trois grandes études sur le cancer de la prostate ont permis de repérer 15 associations sur le génome.

Huit d’entre elles étaient trouvées dans deux études, dont deux dans les trois. Trois études ont été réalisées pour confirmer les observations sur 3 locus. En revanche, il y a une discordance entre deux études pour un locus situé sur le chromosome 19 dans le gène KLK3. La réplication de la première observation a de plus diminué sa valeur statistique de manière importante. La raison de cette discordance tient à un biais dans la sélection des cas, basée précisément sur le dosage sanguin du PSA, codé par le gène KLK3. En effet, les témoins de l’étude révélant l’association avaient été choisis pour un taux faible de PSA et non pas pour l’absence clinique de cancer de la prostate ; l’absence de ce critère de sélection dans la réplication explique la baisse de signification de l’observation initiale. Cette étude amène donc des conclusions de nature différente et souligne l’importance d’intégrer les critères de recrutement dans les calculs de risque relatif. Les observations faites dans les études sur le cancer du sein sont comparables, avec actuellement six locus trouvés associés dans au moins deux études. Les études encore en cours devraient permettre d’identifier quelques locus supplémentaires. Les risques relatifs se situent tous aux alentours de 1,2. Les fréquences des allèles à risque sont en revanche très variables, certaines étant très élevées, ce qui indique qu’ils ne sont pas soumis à une pression de sélection. En effet, ces cancers sont de survenue tardive, et même dans les formes de mauvais pronostic, ils n’entravent pas les capacités normales de reproduction.

Recherche des variations fonctionnelles

L’enjeu ensuite est d’identifier les variations fonctionnelles justifiant les associations observées. Dans le cancer du sein, quelques locus sont d’emblée liés à de bons gènes candidats, comme FGF10, FGFR2, MYC par exemple. D’autres locus sont moins évocateurs a priori, c’est le cas de MAP3-kinase et TOX3. Dans le cancer de la prostate, deux locus orientent vers des gènes impliqués dans le diabète de type II. Enfin, il y a des locus situés dans des régions vierges de gènes, qui pourraient être des régions de contrôle de l’expression génique.

L’avenir immédiat est de rendre les observations individuelles robustes, en regroupant les données comparables des différentes études, et en complétant les études partielles. Il est également important de prévoir des études sur les tumeurs, qui cherchent à corréler les génotypes et les données d’expression, pour lesquelles des panels de 500 cas environ seraient suffisants, des modèles cellulaires, animaux…

Une observation intéressante, bien que surprenante a priori, a été celle de l’association d’une région avec trois localisations tumorales, le côlon, le sein et la prostate. Un des locus de la région est lié au côlon et à la prostate. Cette région contient le gène MYC et il est possible qu’il y ait une relation, sans qu’aucune variation d’expression de MYC n’ait été mise en évidence en fonction du statut allélique. Il est donc nécessaire de poursuivre le génotypage pour préciser l’association et restreindre la région où chercher un polymorphisme fonctionnel. Mais il est important de coupler cette démarche avec des approches fonctionnelles. Une hypothèse comparable a été formulée pour le locus à proximité de FGFR2 et des différences d’expression ont pu être mises en relation avec le génotype. Pour argument, deux des SNP liés au cancer du sein sont localisés dans des facteurs de transcription, CEBPB et RUNX. L’étude du statut des récepteurs hormonaux révèle également que l’allèle à risque de FGFR2 pourrait favoriser le développement de cancers RE+. Chez les femmes porteuses d’une mutation constitutionnelle du gène BRCA2, le génotype du locus FGFR2 influe sur le risque, alors qu’il n’a aucun effet en cas de mutation de BRCA1. La même observation est faite pour MAP3-kinase, mais pas pour TOX3. Il y a donc des indications pour penser que ces locus interagissent de manière sensible.

Les applications prévisibles

La première question qui se pose naturellement concerne les capacités d’identifier des personnes dont la prise en charge préventive justifierait d’être modifiée. Plusieurs sociétés privées proposent aujourd’hui la caractérisation de cinq locus favorisant le cancer de la prostate. Les conditions de réalisation de ces tests ne comportent aucun des trois paramètres nécessaires à une application médicale quelconque, à savoir l’adéquation entre les indications du test, sa nature et l’impact du résultat sur recommandations antérieures.

En d’autres termes, la réalisation d’un test génétique est-elle susceptible de modifier l’ordre des différentes options de prise en charge existantes avant le test ? Lorsqu’il s’agit de chercher une mutation sur un gène MMR, BRCA ou APC, le test est proposé à une personne qui a un risque d’au moins 10 % de l’avoir d’après les caractéristiques familiales. La présence de cette mutation fait passer son risque cumulé, pour le cancer du sein par exemple, de 20 % à 70 %, et les options de prise en charge sont modifiées dès lors qu’une mutation est effectivement identifiée.

La présence de l’allèle « à risque » de FGFR2 dans la population générale fera passer le risque cumulé de cancer du sein de 12,6 à 14 %, donc aucune modification de la prise en charge n’en découlera. L’existence d’un autre allèle à risque, TOX3, pourra augmenter encore ce risque et l’amener à 22,6 % ; cette constatation n’est pas non plus susceptible de modifier de manière importante la prise en charge. Elle concernerait 1,5 % des femmes testées. Il convient donc de caractériser d’autres locus. Mais il y a déjà 9 combinaisons génotypiques avec 2 locus alors qu’il n’y en a que 3 avec un seul. La connaissance précise du risque associé à chacun de ces 9 génotypes nécessite des études épidémiologiques de très grande envergure, non encore réalisées. Le génotypage de 6 locus offre 729 combinaisons, et les 9 connus actuellement presque 20 000. Il n’est donc pas réaliste d’évaluer un risque individuel en dehors d’un modèle. Le modèle de risque le plus simple est de considérer les risques associés à chaque allèle, d’un même locus ou de locus distincts, de manière indépendante, sans interaction. Le risque maximum associé à la présence de 6 allèles à risque est d’environ 33 %. Il concerne 2 femmes sur 10 000. Il sera donc nécessaire de faire 10 000 tests pour observer 2 femmes qui auraient ce risque, et noter le développement ou non d’un cancer du sein. Pour le cancer de la prostate, les constatations sont identiques, avec un proportion de 3 hommes sur 1 000 dont le risque cumulé serait d’au moins 40 % par la présence de 6 allèles à risque. Dans ce dernier cas, peut-être pourrait-on trouver une justification médicale au test. Mais c’est faire l’hypothèse que le modèle est juste…

En conclusion

Il est essentiel de différer les tests génétiques en population. L’identification des variants fonctionnels donnera probablement des indications sur leur mode d’action, dominant, récessif, additif, des paramètres qu’il faudra intégrer à la construction du modèle, sans parler des interactions entre locus. Ces nouveaux modèles, moins théoriques, devront être ensuite validés dans le cadre d’études cliniques et de protocoles consensuels. Le développement des tests dans des structures privées prive à la fois les personnes qui s’y soumettent, et la communauté scientifique et médicale, de toute capacité d’interprétation des résultats. Néanmoins, les études d’association sont importantes sur le plan cognitif, car elles apportent de nouveaux moyens d’explorer les risques et les mécanismes d’apparition du cancer et permettront très certainement à court terme une dissection précise des différentes voies biologiques de la tumorigenèse.

Références

  1. Easton DF, Eeles RA. Genome-wide association studies in cancer. Hum Mol Genet 2008; 17 : 9–15. [Google Scholar]
  2. Hemminki K, Försti A, Lorenzo Bermejo J. New cancer susceptibility loci: population and familial risks. Int J Cancer 2008; 123 : 1726–9. [Google Scholar]
  3. Torkamani A, Topol EJ, Schork NJ. Pathway analysis of seven common diseases assessed by genome-wide association. Genomics 2008; 92 : 265–72. [Google Scholar]
  4. Seng KC, Seng CK. The success of the genome-wide association approach: a brief story of a long struggle. Eur J Hum Genet 2008; 16 : 554–64. [Google Scholar]

Liste des figures

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Paramètres influençant le type et l’efficacité des recherches de gènes de prédisposition.

Dans le texte

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