Free Access
Issue
Med Sci (Paris)
Volume 23, Number 5, Mai 2007
Page(s) 461 - 464
Section Nouvelles
DOI https://doi.org/10.1051/medsci/2007235461
Published online 15 May 2007

Le virus de l’hépatite C (VHC)

Bien que le VHC ait été identifié depuis près de 20 ans et que son génome et ses protéines soient désormais bien connus (Figure 1), le cycle infectieux de ce virus reste encore énigmatique par bien des aspects. Cela résulte principalement de la difficulté, jusqu’à très récemment, de propager le VHC sur des systèmes de culture cellulaire in vitro. Dans ce contexte, différents modèles cellulaires d’étude in vitro ont été mis au point. Parmi ces modèles, les rétrovirus pseudo-typés avec les protéines d’enveloppe E1 et E2 du VHC ont permis d’identifier des éléments clés dans les mécanismes d’entrée du VHC dans la cellule [1]. Les réplicons subgénomiques, constitués par un génome viral contenant une séquence de marqueur de sélection remplaçant la séquence des protéines structurales, ont été un formidable outil pour l’étude de la réplication virale et l’évaluation d’inhibiteurs potentiels de cette réplication [2]. Malheureusement, ces réplicons ne permettaient pas de produire du virus complet et d’étudier la morphogenèse virale. Cette étape du cycle infectieux n’a pu être abordée que grâce à des modèles de surexpression des protéines structurales du VHC, montrant notamment le rôle majeur de la protéine de core dans la morphogenèse de pseudo-virions [3, 4]. Finalement, l’année 2005 aura été un tournant dans la recherche sur le VHC, avec la mise au point d’un système cellulaire permettant de reproduire un cycle infectieux complet du VHC in vitro [5]. La communauté internationale des chercheurs sur le VHC doit cette découverte à la persévérance du Dr Takaji Wakita (Tokyo, Japon), qui a eu l’idée de cloner un génome viral à partir du sérum d’un patient atteint d’une hépatite fulminante. Le génome cloné (JFH1) s’est avéré être doté de propriétés particulières (haut niveau de réplication, sans mutations adaptatives en culture cellulaire), permettant la production de particules virales infectieuses. Même si globalement les étapes clés du cycle infectieux (entrée, réplication du génome, morphogenèse) ne sont pas vraiment plus faciles à étudier avec ce système qu’avec les modèles alternatifs évoqués ci-dessus, ce modèle a le mérite de reproduire ensemble toutes ces étapes, et avec un virus similaire à ceux qui circulent chez les patients chroniquement infectés.

thumbnail Figure 1.

Le génome et les protéines du VHC. A. Le génome viral consiste en un ARN simple brin positif de 9,6 kb. Il code pour une polyprotéine d’environ 3 000 acides aminés. Cette région codante est encadrée en 5’ par une séquence non codante de 341 nucléotides (nt), contenant un site d’entrée du ribosome (IRES), et en 3’ par une séquence non codante essentielle à la réplication virale, de longueur variable. La polyprotéine virale est clivée pour former des protéines structurales (la protéine de core et les deux protéines d’enveloppe E1 et E2), servant à l’assemblage du virus, et les protéines non structurales (de NS2 à NS5b), servant à la maturation de certains domaines de la polyprotéine et à la formation d’un complexe de réplication de l’ARN viral. Ces protéines non-structurales et structurales sont séparées par une petite protéine hydrophobe appelée p7, dont le rôle structural ou non structural n’est pas encore bien précisé. Les protéines structurales sont engendrées par un clivage réalisé entièrement par des peptidases cellulaires présentes au niveau du réticulum endoplasmique (RE), alors que les protéines non structurales sont produites par la protéase virale (NS2/NS3). B. Les protéines structurales sont associées à la membrane du RE grâce à une succession de peptides d’initiation et de terminaison de transfert dans la polyprotéine. Sur la face luminale du RE, la peptidase cellulaire du signal libère les protéines d’enveloppe E1 et E2. La protéine de core subit un clivage additionnel par la peptidase du peptide signal, ou SPP (signal peptide peptidase).

Les gouttelettes lipidiques

Ces structures ont longtemps été considérées comme des inclusions cytoplasmiques inertes, ne servant qu’au stockage intracellulaire de triglycérides et d’esters de cholestérol (Figure 2A). Cependant, elles ont connu ces dernières années un regain d’intérêt de la part des biologistes cellulaires, pour finalement acquérir un véritable statut d’organite [6]. Participant à la régulation de nombreux mécanismes cellulaires, elles représentent des structures extrêmement mobiles et dynamiques, notamment grâce à des mouvements s’effectuant le long des microtubules du cytosquelette [7]. Outre leur rôle dans la régulation du métabolisme lipidique, les gouttelettes lipidiques seraient aussi responsables des échanges de lipides entre les membranes des différents compartiments intracellulaires, contrôlant ainsi la dynamique de la compartimentalisation cellulaire. Elles naissent dans certaines régions du réticulum endoplasmique (RE), par un mécanisme qui n’est pas encore bien déterminé. Un modèle suggère cependant qu’elles pourraient se former par accumulation de triglycérides entre les deux monocouches de phospholipides de la membrane du RE. Le gonflement de cet espace conduirait alors au bourgeonnement d’une gouttelette entourée d’une monocouche de phospholipides dérivée de la membrane du RE [7]. On ne sait pas cependant si la gouttelette reste associée au RE ou si elle s’en détache complètement pour s’individualiser.

thumbnail Figure 2.

Interaction de la protéine de core du VHC avec les gouttelettes lipidiques. A. En microscopie électronique, les gouttelettes lipidiques (GL) apparaissent comme des structures sphériques homogènes, d’aspect grisé peu dense aux électrons. L’expression de la protéine de core du VHC en système cellulaire in vitro induit leur redistribution autour du noyau (N). B. La microscopie confocale montre la présence de la protéine de core (C) du VHC en surface des gouttelettes lipidiques (GL). C. Des techniques d’immuno-gold utilisant un anticorps monoclonal dirigé contre la protéine de core du VHC montrent la présence de cette protéine à la fois à la surface des gouttelettes lipidiques et dans les membranes du RE adjacentes, au sein desquelles se forment par bourgeonnement les particules virales (flèches).

Interaction entre le virus et les gouttelettes lipidiques

Le lien entre le VHC et ces structures cellulaires a été évoqué pour la première fois il y a une dizaine d’années, lorsque des études d’expression de la protéine de core du VHC dans des lignées cellulaires in vitro ont montré que cette protéine se localisait à la surface des gouttelettes lipidiques [8]. Des études complémentaires ont montré que le clivage de la protéine de core par une protéase cellulaire, la SPP (signal peptide peptidase) (Figure 1A et 1B) est nécessaire pour permettre la migration de cette protéine vers la surface des gouttelettes [9]. Après ce clivage, la protéine de core du VHC reste ancrée dans la membrane du RE ou associée aux gouttelettes grâce à la présence d’un domaine carboxy-terminal hydrophobe, sans équivalent dans la protéine de core des autres Flavivirus (à l’exception du virus GBV-B, très proche phylogénétiquement du VHC) [10]. L’expression de la protéine de core du VHC dans des systèmes cellulaires in vitro induit une redistribution des gouttelettes lipidiques dans les zones périnucléaires, associée à une co-localisation entre la protéine et ces gouttelettes (Figure 2B et 2C). La signification de la localisation de la protéine de core du VHC à la surface des gouttelettes lipidiques n’est pas encore bien comprise. Le modèle des pseudo-virions du VHC a cependant montré que le clivage de la protéine de core par la SPP est non seulement essentiel au trafic de cette protéine vers les gouttelettes, mais est aussi requis pour la formation de la particule virale [11]. En outre, ce modèle a permis d’observer que les particules virales s’assemblent et bourgeonnent au niveau de la membrane du RE, à proximité des gouttelettes lipidiques (Figure 2C). De façon intéressante, dans le système de propagation du virus JFH-1, la redistribution périnucléaire des gouttelettes lipidiques et la localisation de la protéine de core du virus à leur surface est également un événement majeur retrouvé dans les cellules infectées [12], même si ce système ne permet pas de visualiser la morphogenèse du virus. Ainsi, les sites de formation des gouttelettes lipidiques pourraient constituer des microdomaines favorables à l’assemblage des particules virales, en réunissant des facteurs viraux et/ou cellulaires nécessaires à ces mécanismes de morphogenèse, ou en excluant au contraire des facteurs pouvant l’inhiber.

VHC et stéatose hépatique

Même si l’agression hépatique associée à l’infection chronique par le VHC résulte essentiellement de la réponse immunitaire de l’hôte, certains aspects de la pathogénie viro-induite sont liés à des effets directs du virus. Parmi ces aspects, la stéatose hépatique, caractérisée par l’accumulation de triglycérides dans le cytoplasme des hépatocytes, semble accélérer le développement d’une fibrose du tissu hépatique, qui elle-même contribue à l’installation d’une cirrhose [13]. La protéine de core du VHC peut induire in vitro de multiples effets dans la cellule, en interagissant avec de nombreux partenaires cellulaires modulant l’activité transcriptionnelle ou les voies de signalisation cellulaire. Son impact sur l’apoptose, la transformation cellulaire, le métabolisme lipidique ou la modulation de la réponse immune a fait l’objet de nombreuses études [14]. Toutefois, certains de ces résultats sont contradictoires, la plupart de ces travaux ayant été effectués dans des conditions de surexpression de la protéine, et dans des systèmes qui ne reproduisent pas le cycle infectieux du virus. Concernant la modification du métabolisme lipidique, la localisation de la protéine de core du VHC à la surface des gouttelettes lipidiques n’est sans doute pas fortuite, et pourrait avoir un lien avec la survenue d’une stéatose hépatique fréquemment observée chez les patients infectés chroniquement par le VHC. Cette localisation, récemment observée in vitro dans des cellules reproduisant un cycle infectieux complet, conforte cette hypothèse. En clinique, la stéatose hépatique résulte de nombreuses étiologies comprenant un excès de poids, un diabète de type II, une hyperlipidémie, une consommation d’alcool ou la prise de certains médicaments. Cependant, même lorsque toutes ces causes possibles peuvent être exclues, un nombre important de patients atteints d’hépatite chronique C présente une stéatose viro-induite [15]. Même si cette stéatose viro-induite n’est pas spécifique de l’un des six génotypes du VHC, les études cliniques montrent qu’elle est plus fréquente mais également plus sévère chez les patients infectés par un VHC de génotype 3 [15]. Cette observation nous a incité à examiner la variabilité de la protéine de core au sein des génotypes du VHC, tout particulièrement au niveau de son domaine carboxy-terminal hydrophobe exposé après clivage par la SPP. Des investigations conduites à partir de plusieurs centaines de séquences de différents génotypes ont montré que la phénylalanine (F) en position 164 est un résidu spécifiquement retrouvé chez 75 % des VHC de génotype 3, alors que les autres génotypes possèdent une tyrosine (Y) à cette position. Dans un modèle cellulaire in vitro d’expression de la protéine de core du VHC, pour lequel nous avons mis au point une méthode de quantification des gouttelettes lipidiques, il a été montré que l’expression de la protéine de core d’un VHC de génotype 1 induit une augmentation importante de la quantité de gouttelettes lipidiques [16]. De façon tout à fait remarquable, cette même protéine de core, dont le résidu tyrosine en position 164 avait été modifié en phénylalanine (mutant Y164F), était capable d’induire une quantité de gouttelettes lipidiques significativement plus importante que la protéine sauvage. Ce modèle cellulaire in vitro reproduit donc bien l’observation d’une stéatose viro-induite et génotype-dépendante évoquée par les études cliniques, et renforce l’idée que l’interaction directe de la protéine de core du VHC avec les gouttelettes lipidiques serait impliquée dans le développement de la stéatose hépatique. Les modèles cellulaires d’étude du VHC pourraient ainsi à terme non seulement permettre de mieux comprendre le cycle infectieux viral et la pathogénie viro-induite, mais également les mécanismes impliqués plus généralement dans la genèse des gouttelettes lipidiques.

Remerciements

Nous remercions pour leur soutien l’Agence Nationale de Recherches sur le Sida et les hépatites virales (ANRS), la Ligue contre le Cancer (Comité de l’Indre et Loire et du Cher), la Région Centre (contrat ESPRI, Équipe Soutenue en Partenariat entre la Région et l’Inserm).

Références

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  4. Roingeard P, Hourioux C, Blanchard E, et al. Hepatitis C virus ultrastructure and morphogenesis. Biol Cell 2004; 96 : 103–8. [Google Scholar]
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Liste des figures

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Le génome et les protéines du VHC. A. Le génome viral consiste en un ARN simple brin positif de 9,6 kb. Il code pour une polyprotéine d’environ 3 000 acides aminés. Cette région codante est encadrée en 5’ par une séquence non codante de 341 nucléotides (nt), contenant un site d’entrée du ribosome (IRES), et en 3’ par une séquence non codante essentielle à la réplication virale, de longueur variable. La polyprotéine virale est clivée pour former des protéines structurales (la protéine de core et les deux protéines d’enveloppe E1 et E2), servant à l’assemblage du virus, et les protéines non structurales (de NS2 à NS5b), servant à la maturation de certains domaines de la polyprotéine et à la formation d’un complexe de réplication de l’ARN viral. Ces protéines non-structurales et structurales sont séparées par une petite protéine hydrophobe appelée p7, dont le rôle structural ou non structural n’est pas encore bien précisé. Les protéines structurales sont engendrées par un clivage réalisé entièrement par des peptidases cellulaires présentes au niveau du réticulum endoplasmique (RE), alors que les protéines non structurales sont produites par la protéase virale (NS2/NS3). B. Les protéines structurales sont associées à la membrane du RE grâce à une succession de peptides d’initiation et de terminaison de transfert dans la polyprotéine. Sur la face luminale du RE, la peptidase cellulaire du signal libère les protéines d’enveloppe E1 et E2. La protéine de core subit un clivage additionnel par la peptidase du peptide signal, ou SPP (signal peptide peptidase).

Dans le texte
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Interaction de la protéine de core du VHC avec les gouttelettes lipidiques. A. En microscopie électronique, les gouttelettes lipidiques (GL) apparaissent comme des structures sphériques homogènes, d’aspect grisé peu dense aux électrons. L’expression de la protéine de core du VHC en système cellulaire in vitro induit leur redistribution autour du noyau (N). B. La microscopie confocale montre la présence de la protéine de core (C) du VHC en surface des gouttelettes lipidiques (GL). C. Des techniques d’immuno-gold utilisant un anticorps monoclonal dirigé contre la protéine de core du VHC montrent la présence de cette protéine à la fois à la surface des gouttelettes lipidiques et dans les membranes du RE adjacentes, au sein desquelles se forment par bourgeonnement les particules virales (flèches).

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