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Editorial
Issue
Med Sci (Paris)
Volume 18, Number 10, Octobre 2002
Page(s) 920 - 920
Section Editorial : Le mot du mois
DOI https://doi.org/10.1051/medsci/20021810920
Published online 15 October 2002

Ce mot n’évoque a priori rien de scientifique. De l’italien traffico, il signifie le commerce, le négoce clandestin et illicite de biens plutôt douteux comme le trafic des stupéfiants. Il nous fait aussi penser au « trafic de chair humaine », trafic d’organes ou encore au trafic de charmes. Il est vrai que les cellules ont bien des charmes exquis, souvent encore cachés. Il suffit de les colorer pour qu’elles révèlent leur noyau, leur appareil de Golgi ou leurs endosomes. Et dire qu’il reste encore tellement de beautés insoupçonnées ! Les biologistes cellulaires s’adonneraient-ils à des trafics ? Trafic d’influence, peut-être ? Pas sûr. Un deuxième sens de ce mot nous vient de l’anglais traffic, avec deux F comme en italien. Plus sérieux et plus pudiques, les Anglais désignent par ce mot la quantité, la fréquence des messages, courriers, trains et tous autres véhicules qui circulent sur une voie d’échange. Trafic nous renvoie donc aux échanges et à la circulation. Y aurait-il des embouteillages dans les cellules ? Quels sont donc les échanges qui s’y activent ? Pour qu’il y ait des échanges, il faut que quelque chose soit à échanger et des entités qui donnent ce que d’autres acceptent et réciproquement. Assertion évidente mais néanmoins riche de sens pour une cellule. Si la cellule procaryote a des échanges avec son environnement, la cellule eucaryote a en outre un intense trafic en son sein. La présence de compartiments intracellulaires spécialisés permet de répartir les fonctions et de mieux les organiser. Les échanges dans un système ainsi cloisonné sont évidemment nécessaires. Le noyau est spécialisé dans un certain nombre de fonctions liées au génome et à l’expression génique. Il exporte des ARN et importe des protéines : premier trafic. Certains ARN sont traduits en protéines destinées à être sécrétées ou exprimées dans des membranes. Le réticulum endoplamique rugueux les insère dans une bicouche lipidique voire dans sa lumière. Là commence le voyage de la vie à la mort d’une protéine membranaire. D’un enchaînement d’acides aminés sortant des ribosomes, le réticulum endoplasmique fait une protéine modifiée, avec des sucres et des coupures. Il l’empaquette dans une vésicule pour son premier voyage « vers le Golgi et au-delà ! ». La vésicule accoste et fusionne à son premier port et notre protéine poursuit sa maturation. Lorsqu’elle sort du Golgi, dans une vésicule ou un tubule membranaire, elle est prête et fonctionnelle. Elle poursuit son voyage le long des microtubules, véritables autoroutes du trafic membranaire, puis sur des filaments d’actine, les routes nationales et départementales de la cellule. La protéine sécrétée parvient enfin à sa destination finale : la bordure externe de la cellule, la limite de l’univers cellulaire, l’inconnu dans lequel elle se jette pendant que les protéines membranaires la regardent, captives de leur cellule mère. Reçue par une autre cellule, à laquelle elle transmet un signal, elle se perdra ensuite dans l’organisme. Les protéines membranaires finiront un jour broyées par la cellule qui les a enfantées, endocytées puis dégradées dans les lysosomes. Tout cela a lieu sous les yeux émerveillés du biologiste cellulaire, penché sur son microscope ou sur son écran d’ordinateur à regarder ce ballet incessant de billes et de tubes qui s’élancent, s’arrêtent, se fractionnent, bifurquent, repartent de plus belle à la queue leu leu, fusionnent, puis disparaissent, guidés par des forces encore inconnues. L’avènement de la cinématographie cellulaire n’a fait que commencer de lever le voile sur les charmes du trafic membranaire. Il faut maintenant donner du sens à ce chaos apparent, comprendre cette diversité de structures et de mouvements, analyser les flux, modéliser la dynamique, déterminer l’importance de ce trafic au cours du développement et son implication dans les maladies. Il y a certainement des bouchons dans les cellules et c’est aussi difficile à comprendre que sur les routes.


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