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Issue
Med Sci (Paris)
Volume 17, Number 12, Décembre 2001
Page(s) 1353 - 1354
Section Nouvelles et Brèves
DOI https://doi.org/10.1051/medsci/200117121353
Published online 15 December 2001

Depuis quelques années, le nombre de molécules biologiquement actives dont on découvre la provenance adipocytaire, ne cesse de s’accroître. De plus, il devient évident que leur production est altérée dans l’obésité et que cela participe au développement de complications telles que insulinorésistance, diabète de type II et pathologie vasculaire. Ainsi, la surproduction de TNFα, de leptine ou de résistine est très probablement impliquée dans l’altération de l’homéostasie glucidique chez l’obèse. De même, l’augmentation de la production adipocytaire d’angiotensinogène et de PAI I (plasminogen activator inhibitor type I) pourrait être en partie responsable du développement d’hypertension et de tromboses vasculaires. Le groupe de Matsuzawa a proposé récemment de qualifier ces protéines d’« adipocytokines » [1].

L’adiponectine est l’une ce ces « adipocytokines », qui fut d’abord clonée chez la souris par le groupe de Lodish, sous le nom d’Acrp 30 [2] et par le groupe de Spiegelman, sous le nom d’AdipoQ [3]. L’homologue humain, nommée apm-1, BGP28 puis adiponectine, a été isolé du plasma humain. C’est une protéine abondante, représentant environ 0,05 % des protéines sériques, qui circule sous forme d’homotrimère ou de complexes protéiques de 10 à 15 unités [4]. L’adiponectine comporte un domaine collagen-like et une région globulaire C-terminale apparentée à celle de certaines isoformes de collagène, du facteur C1q du complément et d’une protéine sérique (hib 27) présente chez les hibernants.

Quelle peut être la signification physiologique de la production d’une telle protéine par les cellules adipeuses ? Restée longtemps sans réponse, cette question est à nouveau d’actualité. En effet, il s’avère que la concentration d’adiponectine circulante est diminuée chez l’obèse et décroît parallèlement au développement de l’insulino-résistance [5, 6]. Ce serait donc le défaut, et non pas l’augmentation de production comme dans le cas de la résistine par exemple, qui serait impliqué dans l’altération de l’homéostasie glucidique. De là à tenter de rétablir expérimentalement le taux d’adiponectine, il n’y avait qu’un pas, qui a été franchi récemment. Trois études indépendantes montrent que l’administration d’adiponectine permet de ramener les niveaux circulants à des taux physiologiques dans des modèles de souris diabétiques ou insulinorésistantes. Il en résulte une réduction notable de l’hyperglycémie et de l’hyperinsulinémie, quelle qu’en soit l’origine, génétique, nutritionnelle ou autre [79]. Cette amélioration est rapide et durable après une injection unique, et persistante, en réponse à une administration journalière. Les mécanismes mis en jeu semblent être multiples (figure 1). D’une part, l’adiponectine est capable d’augmenter l’effet de l’insuline dans des hépatocytes isolés, ce qui pourrait favoriser une diminution de la production hépatique de glucose. D’autre part, elle stimule l’oxydation des acides gras dans les muscles squelettiques, ce qui provoque une baisse des acides gras et des triglycérides sanguins entraînant une amélioration de la sensibilité à l’insuline et, même, une diminution du poids corporel dans certains modèles de souris obèses.

L’occurrence de pathologies vasculaires (trombose, athéroslérose) est fréquente dans l’obésité et le diabète de type II. Une série de travaux japonais suggère que l’adiponectine pourrait également exercer un effet bénéfique dans ce domaine [10, 11]. Ces études démontrent que l’adiponectine diminue l’apparition de protéines d’adhérence et l’attachement des monocytes aux cellules endothéliales, et qu’elle est aussi capable d’inhiber l’activité des macrophages et la formation de cellules spumeuses (figure 1).

thumbnail Figure 1.

Double rôle anti-diabétique et anti-athérogène de l’adiponectine. La production adipocytaire d’adiponectine est diminuée parallèlement au développement de l’insulino-résistance chez l’obèse. Les thiazolidinediones augmentent les taux circulants, par un effet direct sur le promoteur et, indirectement, via l’inhibition du TNFα. Le rôle anti-diabétique de l’adiponectine est relayé par l’amélioration de l’effet de l’insuline au niveau hépatique (diminution de la production de glucose) et au niveau musculaire (augmentation de l’utilisation du glucose) via la stimulation de l’oxydation des acides gras. L’adiponectine exerce également un effet anti-inflammatoire sur les macrophages et les cellules endothéliales, ce qui pourrait rendre compte d’un effet anti-athérogène.

Quels sont les mécanismes moléculaires impliqués dans des effets aussi divers ? Devant les enjeux thérapeutiques révélés par ces travaux, il est clair que cette question ne devrait pas tarder à être résolue. Dans ce contexte, on attend avec impatience de connaître le phénotype de souris invalidées pour le gène de l’adiponectine, ou le surexprimant, ce qui devrait permettre de valider son importance physiopathologique. Ce que l’on sait actuellement, c’est que la partie carboxy-terminale globulaire semble être plus efficace que la protéine entière, au moins au niveau des muscles squelettiques [7, 8]. Il est donc possible que la protéine subisse une maturation protéolytique in vivo. Par ailleurs, bien que l’on ne connaisse pas son récepteur, la caractérisation des chaînes glycosidiques portées par l’adiponectine, qui comportent un motif particulier de résidus d’acide sialique [12], devrait orienter les recherches vers des récepteurs de type « lectine » et plus spécifiquement de type Siglec [13]. Curieusement, il s’avère que certains de ces récepteurs sont capables de lier la leptine, sans que l’on connaisse encore la signification physiologique de cette observation [13]. Il semble évident que toute manipulation augmentant les taux d’adiponectine ne saurait qu’être utile pour améliorer l’homéostasie glucidique et diminuer les risques cardiovasculaires chez l’obèse diabétique. Le fait que les thiazolidinediones augmentent les concentrations circulantes d’adiponectine prend donc toute son importance [14]. L’effet de ces drogues serait double : d’une part, stimulation directe du promoteur de l’adiponectine, et d’autre part, antagonisme de l’effet inhibiteur du TNFα. Une partie des effets « inexpliqu és» des thiazolidinediones, en particulier leur action anti-athérogénique, pourrait fort bien être relayée par l’augmentation d’adiponectine. L’adiponectine détrônera-t-elle la leptine ? L’avenir le dira, à moins que le tissu adipeux ne nous réserve la découverte d’un challenger encore plus efficace pour améliorer l’état métabolique des obèses.

Références

  1. Matsuzawa Y, Funahashi T, Nakamura T. Molecular mechanism of metabolic syndrome X : contribution of adipocytokines adipocyte-derived bioactive substances. Ann NY Acad Sci 1999; 892 : 146–54. [Google Scholar]
  2. Scherer PE, Williams S, Fogliano M, Baldini G, Lodish HF. A novel serum protein similar to C1q, produced exclusively in adipocytes. J Biol Chem 1995; 270: 26746–9. [Google Scholar]
  3. Hu E, Liang P, Spiegelman BM. AdipoQ is a novel adipose-specific gene dysregulated in obesity. J Biol Chem 1996; 271: 10697–703. [Google Scholar]
  4. Nakano Y, Tobe T, Choi-Miura NH, Mazda T, Tomita M. Isolation and characterization of GBP28, a novel gelatin-binding protein purified from human plasma. J Biochem (Tokyo) 1996; 120: 803–12. [Google Scholar]
  5. Hotta K, Funahashi T, Bodkin NL, et al. Circulating concentrations of the adipocyte protein adiponectin are decreased in parallel with reduced insulin sensitivity during the progression to type 2 diabetes in rhesus monkeys. Diabetes 2001; 50: 1126–33. [Google Scholar]
  6. Weyer C, Funahashi T, Tanaka S, et al. Hypoadiponectinemia in obesity and type 2 diabetes : close association with insulin resistance and hyperinsulinemia. J Clin Endocrinol Metab 2001; 86 : 1930–5. [Google Scholar]
  7. Fruebis J, Tsao TS, Javorschi S, et al. Proteolytic cleavage product of 30-kDa adipocyte complement-related protein increases fatty acid oxidation in muscle and causes weight loss in mice. Proc Natl Acad Sci USA 2001; 98 : 2005–10. [Google Scholar]
  8. Yamauchi T, Kamon J, Waki H, et al. The fatderived hormone adiponectin reverses insulin resistance associated with both lipoatrophy and obesity. Nat Med 2001; 7 : 941–6. [Google Scholar]
  9. Berg AH, Combs TP, Du X, Brownlee M, Scherer PE. The adipocyte-secreted protein Acrp30 enhances hepatic insulin action. Nat Med 2001; 7 : 947–53. [Google Scholar]
  10. Ouchi N, Kihara S, Arita Y, et al. Novel modulator for endothelial adhesion molecules : adipocyte-derived plasma protein adiponectin. Circulation 1999; 100 : 2473–6. [Google Scholar]
  11. Yokota T, Oritani K, Takahashi I, et al. Adiponectin, a new member of the family of soluble defense collagens, negatively regulates the growth of myelomonocytic progenitors and the functions of macrophages. Blood 2000; 96 : 1723–32. [Google Scholar]
  12. Sato C, Yasukawa Z, Honda N, Matsuda T, Kitajima K. Identification and adipocyte differentiation-dependent expression of the unique disialic acid residue in an adipose tissue-specific glycoprotein, adipo Q. J Biol Chem 2001; 276 : 28849–56. [Google Scholar]
  13. Patel N, Brinkman-Van der Linden EC, Altmann SW, et al. OB-BP1/Siglec-6. a leptin- and sialic acid-binding protein of the immunoglobulin superfamily. J Biol Chem 1999; 274 : 22729–38. [Google Scholar]
  14. Maeda N, Takahashi M, Funahashi T, et al. PPARgamma ligands increase expression and plasma concentrations of adiponectin, an adipose-derived protein. Diabetes 2001; 50 : 2094–9. [Google Scholar]

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Liste des figures

thumbnail Figure 1.

Double rôle anti-diabétique et anti-athérogène de l’adiponectine. La production adipocytaire d’adiponectine est diminuée parallèlement au développement de l’insulino-résistance chez l’obèse. Les thiazolidinediones augmentent les taux circulants, par un effet direct sur le promoteur et, indirectement, via l’inhibition du TNFα. Le rôle anti-diabétique de l’adiponectine est relayé par l’amélioration de l’effet de l’insuline au niveau hépatique (diminution de la production de glucose) et au niveau musculaire (augmentation de l’utilisation du glucose) via la stimulation de l’oxydation des acides gras. L’adiponectine exerce également un effet anti-inflammatoire sur les macrophages et les cellules endothéliales, ce qui pourrait rendre compte d’un effet anti-athérogène.

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