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Numéro
Med Sci (Paris)
Volume 35, Numéro 4, Avril 2019
Page(s) 356 - 363
Section Repères
DOI https://doi.org/10.1051/medsci/2019066
Publié en ligne 30 avril 2019

© 2019 médecine/sciences – Inserm

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Vignette (Photo © Inserm – Patrick Delapierre).

L’assistance médicale à la procréation (AMP, également nommée PMA pour procréation médicalement assistée) n’étant pas une discipline médicale classique, le droit qui l’encadre reflète des choix politiques en raison de l’impact sur la personne, le corps, la famille et la filiation. C’est à ce titre qu’un mécanisme spécifique de révision a été conçu pour les lois dites de bioéthique1, actuellement tous les sept ans2, avec la tenue préa lable des États généraux3 permettant d’expérimenter une forme de débat public4, suivie par la soumission de plusieurs avis et études5. Cette méthode de réexamen régulier pourrait être considérée comme une preuve de l’importance aux yeux du législateur de ces sujets sociétaux sensibles, de son ouverture à l’égard des demandes de la société civile et de sa réactivité face aux avancées technologiques dans ce domaine. Ces « rendez-vous » législatifs ne sont pas nécessairement en phase avec l’évolution des mentalités, rendant cette obligation législative un exercice délicat, pouvant jouer un rôle catalyseur des revendications et d’exacerbation des passions des citoyens.

En tout état de cause, même en dehors de toute obligation légale, les revendications sociétales dans le domaine de la PMA se sont progressivement renforcées au fil du temps, ne laissant aucun doute sur la nécessité d’une réflexion collective. Ce point est intéressant, car contrairement à d’autres domaines inclus dans la présente révision, tels que la génomique ou l’intelligence artificielle, le domaine de la PMA n’a pas connu depuis la dernière révision de 2011 une évolution vertigineuse des techniques. En d’autres termes, il s’agit principalement de la question de l’éligibilité d’accès de certaines catégories de personnes à des techniques « classiques » de PMA et de l’autorisation de certaines techniques existantes. Néanmoins, nous allons essayer de présenter les raisons pour lesquelles cette révision pourrait être considérée comme un véritable bouleversement conceptuel d’un modèle bâti en 1994.

Afin d’introduire le lecteur dans l’univers français de la PMA, nous allons brièvement décrire son contour normatif :

Le recours aux techniques de la PMA6 est inscrit dans un contexte strictement médical, l’accès étant autorisé soit en cas d’infertilité dont le caractère pathologique est médicalement diagnostiqué7, soit en cas de risque de transmission à l’enfant ou à un membre du couple d’une maladie d’une particulière gravité7. Par ailleurs, seuls sont éligibles les couples stables8, formés d’un homme et d’une femme, vivants et en âge de procréer9. Le don de gamètes, sperme ou ovocytes, est autorisé (mais pas le double don, dans lequel aucun des gamètes n’est issu d’un membre du couple10). La loi impose son strict anonymat11 (l’état civil de l’enfant n’indique ni l’identité du donneur, ni le fait du recours à un don de gamètes12), une dérogation n’étant prévue qu’en cas de nécessité thérapeutique13. La gestation pour autrui (GPA) est interdite14. Ce cadre juridique, marqué par une prise en charge généreuse par la collectivité15 [1], n’a pas substantiellement changé depuis sa mise en place en 1994 et à travers les révisions.

Les sujets évoqués dans le cadre de la prochaine et imminente révision dans le domaine de la PMA ont en commun de revendiquer un assouplissement des conditions d’accès à ces techniques, ou d’en autoriser certaines : accès des couples de femmes et des femmes seules ; autorisation de la procréation post mortem (utilisation du sperme d’un homme décédé) ; élargissement de l’éligibilité à l’autoconservation ovocytaire ; et levée de l’anonymat du don de gamètes. Nous n’aborderons pas la question de la gestation pour autrui, la probabilité de l’autorisation de cette pratique étant minime16. Notons que les quatre questions sont étroitement liées au contexte globalisé, à savoir la possibilité de recours des ressortissants français à des traitements procréatifs à l’étranger pour contourner les limitations ou les interdictions en droit interne. Ce sont ces pratiques qui encouragent l’alignement du régime français sur d’autres régimes plus permissifs, d’où l’intérêt d’intégrer une dimension comparative dans l’analyse de ces questions.

À l’heure de la rédaction de ces lignes, le Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE) a publié son avis n° 12917, globalement favorable à de telles réformes, sauf à l’autorisation de la GPA. Cet avis définira les contours du futur projet de loi.

Après une présentation thématique de ces sujets ainsi que la description de la situation juridique en France et dans d’autres pays occidentaux, nous allons analyser les raisons pour lesquelles leur mise en question pourrait être considérée comme un véritable tremblement de terre dans le paysage bioéthique français. Car, comme le concluent les auteurs du récent rapport du Conseil d’État, « l’apparente technicité de la matière ne doit pas masquer que cette révision des lois de bioéthique, encore plus que les précédentes, interpelle le législateur sur le sens et la cohérence du cadre juridique construit en 1994. Jamais l’actualité des principes figurant dans le Code civil n’a été autant questionnée »18.

Les questions soulevées dans le cadre de la prochaine révision – situation juridique en France et ailleurs

Plusieurs questions relevant du champ de la PMA sont soulevées :

Accès à la PMA des couples de femmes et des femmes seules

Une telle ouverture supprimerait la condition d’existence d’une pathologie, en admettant que le projet parental puisse émaner non exclusivement des couples hétérosexuels. Prolongeant la reconnaissance de nouvelles configurations familiales, une telle ouverture s’appuierait sur de nombreuses études scientifiques confirmant qu’en termes de niveau cognitif, compétences sociales et identité sexuelle, les enfants nés dans un cadre homoparental ne diffèrent pas de ceux nés d’un couple hétérosexuel [2-7]. Cette revendication s’est fortement exprimée ces dernières années, surtout depuis la loi du 17 mai 201319 ouvrant le mariage aux couples homosexuels et autorisant un égal accès à l’adoption de tous les couples mariés20. Par ailleurs, le recours des femmes seules et des femmes homosexuelles21 à des dons de sperme à l’étranger (principalement en Belgique, en Espagne et au Danemark) a été considéré par la Cour de cassation comme ne faisant pas obstacle en soi à l’adoption de l’enfant par l’épouse de la mère22. Comme le relève le Conseil d’État, aucun principe juridique ne s’oppose à une telle évolution, ce choix étant donc purement politique et relève de l’appréciation souveraine du législateur23. En tout état de cause, cette mesure a reçu le soutien à titre personnel du candidat aux élections présidentielles de 2017 Emmanuel Macron24, et de celui du CCNE25. Dès lors, se posent deux questions supplémentaires : premièrement, dans un souci de sécurité juridique pour l’enfant26, l’établissement d’un double lien de filiation, à savoir non seulement avec la femme qui l’a mis au monde27, mais aussi avec sa partenaire. L’établissement d’un tel lien peut se faire par plusieurs mécanismes juridiques, avant et / ou après la naissance [8]. Deuxièmement, la question de la prise en charge se pose également, car comme l’on a vu, le régime actuel inscrit la PMA dans une logique purement thérapeutique, ce qui permet d’intégrer les coûts de traitements d’infertilité dans le champ de la santé publique, pris en charge par la collectivité, en vertu du principe de solidarité28.

Dans une perspective internationale, notons que l’accès à la PMA des femmes seules n’est pas autorisé partout, mais une telle interdiction semble être rare : comme en France, en Suisse et en Italie, où seuls les couples hétérosexuels y ont droit. Dans d’autres pays, comme l’Autriche, seuls les couples, hétérosexuels ou homosexuels, sont éligibles, les femmes seules étant exclues. D’autres régimes ne posent pas de conditions d’accès spécifiques à certaines catégories, telles que les couples de femmes ou les femmes seules : aux Pays-Bas, la matière a été laissée à la discrétion des praticiens d’hôpitaux et des cliniques. En Belgique, une telle décision relève aussi de la compétence des équipes médicales, avec la possibilité d’invoquer une clause de conscience. Au Danemark, la condition d’avoir un partenaire masculin a été supprimée en 2006. Les femmes ont accès à des traitements d’infertilité indépendamment de leur statut civil – seules, en partenariat, ou mariées. En Espagne, toute femme âgée de plus de 18 ans, seule ou mariée, indépendamment de son statut matrimonial et de son orientation sexuelle, a le droit d’accès à la PMA. En Grande-Bretagne, aucune condition légale d’accès à la PMA sur le fondement d’âge, d’orientation sexuelle ou de statut matrimonial n’a jamais existé29.

Procréation post-mortem

La question de la procréation post-mortem est intimement liée à l’accès à la PMA des femmes seules car, du moment où on autorise cet accès, il n’y a aucune raison d’interdire à des femmes dont le partenaire consentant à ce projet procréatif est décédé d’y procéder, la considération du critère de l’intérêt de l’enfant étant identique. En l’état actuel du droit, cette possibilité est explicitement exclue30, qu’il s’agisse d’une insémination avec le sperme de l’homme décédé (prélevé avant ou après sa mort) ou d’un transfert d’embryon conçu avec le sperme du défunt. Concrètement, au moment du décès, le membre du couple survivant peut choisir de donner les embryons conservés à un autre couple, ou à la recherche, ou d’en demander la destruction31. En ce qui concerne les gamètes, ceux-ci sont automatiquement détruits en cas de décès de celui qui a procédé à leur don32.

Au niveau européen, en l’absence de consensus entre les États membres sur la définition scientifique et juridique du début de la vie, faisant du point de départ du droit à la vie un sujet que la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) laisse à la marge d’appréciation des États33, il n’a pas été possible de dégager une position unique en matière de transfert d’embryon post-mortem.

Les pays européens qui autorisent la procréation post-mortem, comme la Belgique34, l’Espagne35, et la Grande-Bretagne36, ne font pas de distinction entre l’utilisation du sperme conservé et le transfert d’embryon. Cette absence de dissociation est cohérente si on considère que la volonté du couple de poursuivre le projet parental doit pouvoir être réalisée au-delà de la mort de l’un des membres du couple et cela, quel que soit le degré de réalisation du projet. Du point de vue de l’enfant également, le critère de son bien-être reste inchangé en ce qui concerne les deux possibilités de procréation post mortem. En revanche, une dissociation entre les deux pratiques peut intervenir pour autoriser le transfert d’embryon post-mortem, cette dissociation pouvant être justifiée par l’absence de symétrie entre les gamètes et les embryons, et la reconnaissance d’un certain respect à l’égard des embryons existants37.

Les principaux arguments en faveur de l’autorisation du recours à la procréation post-mortem sont : l’autonomie des femmes veuves s’engageant à assumer cette situation seules ; la continuation du projet parental qui, au moins dans l’hypothèse de transfert d’embryon, est mûrement réfléchi ; statistiquement, s’agissant d’un nombre très restreint de cas, l’autorisation n’aurait pas d’impact sur la société entière ; l’intérêt de l’enfant étant de venir au monde, il se sentirait d’autant plus désiré, et aurait une identité paternelle, certes abstraite, mais certaine.

De leur côté, les opposants à une telle autorisation se fondent sur les arguments suivants : la société dispose d’un droit de regard, car elle est sollicitée pour aider et programmer la venue au monde d’un enfant orphelin de père ; les situations de monoparentalité, souvent liées à une certaine pauvreté, sont à éviter ; l’intérêt de l’enfant serait bafoué, car il grandirait sans père, ni structure familiale complète ; la procréation post mortem est un désir égoïste, une dérive de la PMA, contre nature, qui ne mérite pas d’être encouragée ; cette pratique méprise la condition mortelle humaine qui est le sort de tous, elle est la réalisation d’un désir de se perpétuer mal placé38 ; l’impossibilité d’avoir un consentement véritablement éclairé de la part de l’homme qui, même vivant, ne peut pas se rendre compte de la mesure de son engagement ; les femmes se trouvant dans une telle détresse sont sujettes à pression ; parfois leur demande reflète une incapacité à faire le deuil, plus qu’un véritable désir d’enfant ; l’embryon n’étant pas considéré comme une personne juridique, cela exclut toute autorisation de transfert d’embryon post mortem sur ce fondement ; enfin, des complications potentielles dans le domaine du droit de la filiation, et surtout dans le droit de succession, pouvant être source de chantage.

L’interdiction de toute forme de procréation postmortem a donné lieu à plusieurs actions en justice en France ; la possibilité d’autorisation du transfert post-mortem a été envisagée déjà à l’occasion des précédentes révisions et soutenue à plusieurs reprises par le CCNE39.

Concrètement, l’autorisation supposerait un encadrement précis40 : vérification du consentement du père défunt ; encadrement dans le temps de cette possibilité (délai minimal à compter du décès et délai maximal) ; aménagement du droit de la filiation et du droit des successions afin que l’enfant puisse hériter de son père comme ses frères et sœurs.

Autoconservation ovocytaire

Si la conservation de spermatozoïdes par congélation répondait aux critères de sécurité et d’efficacité dès les années 1970, celle des embryons depuis les années 1980, la congélation des ovocytes a donné des résultats moins efficaces. Le développement de la technique de vitrification (congélation ultra rapide) d’ovocytes a changé la donne41, car désormais les femmes peuvent conserver leurs ovocytes, ce qui peut aussi avoir des conséquences sur la congélation d’embryons42, dont la charge éthique est différente.

En l’état actuel du droit, toute personne, homme ou femme, peut conserver ses gamètes dans les trois hypothèses suivantes : dans le cadre d’un projet parental concret ; le cadre d’un traitement contre une pathologie risquant de la rendre infertile ; le cadre d’un don à une personne, celui-ci étant accompagné d’une conservation pour soi-même43. En d’autres termes, la possibilité de prévenir l’infertilité liée à l’âge par la conservation par une femme de ses propres ovocytes en vue de concevoir plus tard est exclue (sauf si la femme fait à cette occasion don d’une partie de ses ovocytes, ce qui peut être ressenti comme du chantage). Le modèle actuel reposant sur une conception d’infertilité pathologique n’intègre pas l’infertilité liée à l’âge, ce qui exclut les femmes ayant un projet procréatif retardé, faute de trouver un partenaire ou pour toute autre raison.

L’autoconservation ovocytaire peut être considérée comme relevant de la médecine préventive, car elle évite d’autres traitements d’infertilité inefficaces à un âge plus avancé [9]. L’accès à un tel traitement est défendu par certains professionnels [10] ; d’autres mettent en avant la disproportion entre la lourdeur du traitement et la simple probabilité d’avoir ensuite besoin pour la femme concernée de recourir à ses ovocytes vitrifiés pour concevoir un enfant44. En tout état de cause, l’utilisation de cette technique à des fins non-médicales est un sujet controversé dans certains pays, le grand risque étant que les femmes entrent intentionnellement dans « le cercle vicieux de l’infertilité ». En d’autres termes, dès lors que cette technique devient disponible, de nombreuses femmes voudraient (ou plutôt ressentiraient la pression de leurs employeurs) pour l’utiliser45. Une fois les ovocytes congelés, les femmes ne se sentiraient plus pressées à entamer une grossesse ; or, plus la grossesse serait reportée à plus tard, plus ses chances de déclenchement et de succès diminueraient. La question se pose alors de savoir si l’autorisation d’accès à l’autoconservation ovocytaire, sous prétexte d’émanciper les femmes, ne permettrait pas d’éviter la question du besoin de faciliter la vie professionnelle des femmes et de mieux assurer les structures de garde de manière qu’elles puissent avoir une carrière et élever des enfants. Cependant, des études menées dans ce domaine ces dernières années confirment que les femmes décident de congeler leurs ovocytes pour des raisons personnelles plutôt que pour des raisons professionnelles, le plus souvent car elles n’ont pas encore trouvé le bon partenaire [11, 12]. Cette mesure pourrait également avoir comme impact la réduction de la demande de dons d’ovocytes et l’augmentation du nombre d’ovocytes disponibles au don dans le cas où ils ne seront pas utilisés ultérieurement.

Comme les précédents sujets de réforme, l’autoconservation ovocytaire fait aussi partie d’un contexte globalisé, de nombreux pays autorisant cette pratique. Ainsi, certaines femmes françaises se rendent en Grande-Bretagne, en Belgique, en Espagne et en République tchèque. D’autres pays l’autorisent aussi, comme les États-Unis, le Canada et Israël. Par contre, peu de pays, comme l’Autriche et Malte, le prohibent. Le fait que de nombreux pays autorisent l’accès à cette technique s’explique principalement par l’absence d’un cadre strictement pathologique, comme c’est le cas en France.

Anonymat du don de gamètes

L’ultime sujet de révision ne concerne pas une question d’éligibilité ou d’autorisation d’accès à une technique particulière, mais la levée de l’anonymat des donneurs de gamètes en général, suite à la revendication de transparence de la part des enfants nés d’une PMA avec don de gamètes. Ces derniers expriment leur souffrance d’être privés de la possibilité d’accéder à leurs origines biologiques et de s’inscrire dans une lignée généalogique. En effet, certains pays occidentaux, tels que l’Allemagne et la Norvège, n’ont jamais instauré une norme d’anonymat du don de gamètes ; d’autres l’ont fait, mais ont choisi de la supprimer (Suède, Royaume-Uni). Enfin, certains pays, comme la France, maintiennent ce principe, avec l’Espagne, l’Italie et Israël.

La possibilité d’accès à l’identité du donneur se ferait à partir de l’âge de la majorité de l’enfant (cet accès concerne uniquement l’enfant et pas ses parents) et n’aurait pas d’incidence en matière de filiation et de succession : les parents sociaux resteraient les parents légaux, et le donneur n’aurait aucun statut juridique. Notons également que la question de l’accès à l’identité du donneur doit être dissociée de celle du mode de conception de l’enfant. Aucune trace n’est en effet laissée dans les documents d’état civil de l’enfant du fait du recours même à un don de gamètes. En pratique, peu d’enfants sont conscients du fait que la réalité sociale ne correspond pas à la réalité biologique. Même dans les pays qui ont levé l’anonymat ou qui n’ont jamais instauré une telle norme, on ne trouve pas d’obligation faite aux parents de révéler à l’enfant le recours à un don de gamètes, cette obligation étant considérée comme une intrusion dans leur vie privée. Il est intéressant d’observer un changement de mentalités dans ce domaine : si, pendant les années 1970 dans la plupart des pays occidentaux, les parents étaient encouragés par les équipes médicales à rester discrets sur ce « secret de famille », ils sont progressivement incités à aborder cet aspect avec leur enfant.

Historiquement, le modèle français du don de gamètes a été conçu selon le modèle du don de sperme, lui-même assimilé au don de sang46 [14], pratique anonyme et bénévole depuis la fin de la seconde guerre mondiale.

La règle de l’anonymat a été conçue comme étroitement liée au principe de non patrimonialité47, dont elle garantit la bonne application, en évitant des risques de trafic et de pressions puisque donneur et receveur ne risquent pas de s’entendre. Elle permet aussi, par sa discrétion, de préserver la paix des familles48 et surtout, comme l’a démontré la sociologue Irène Théry [16], la séparation entre la scène du don de gamètes et celle de la PMA : la première est constituée sur le modèle du don de sang, le corps médical est donc absent ; la deuxième, celle de la PMA, présente implicitement le corps médical comme propriétaire des gamètes, et c’est le donneur qui disparaît cette fois-ci. « Dans cette vision clivée qui sépare le don (idéalement sans médecin), et la procréation médicalisée (idéalement sans donneur), il n’y a pas de place pour se représenter ce qui a vraiment permis la naissance d’un enfant, c’est-à-dire la coopération de tous les acteurs au sein d’un même et unique processus complexe » [16] (p117). Et avec l’invention de la cryoconservation, le droit a instauré une coupure symbolique radicale entre le don et son usage. Le donneur fait un don à l’institution biomédicale (aux Centres d’étude et conservation des œufs et du sperme humains, CECOS), comme s’il n’y avait pas de receveur, ce qui exclut toute logique contractuelle entre le donneur et le receveur.

Un bouleversement conceptuel

La révision envisagée en 2019 constitue un véritable bouleversement du « modèle bioéthique » français. « Toute révision de lois de bioéthique est un exercice juridiquement semé d’embûches, qui relève de l’art du mikado, sur lequel plane en outre l’ombre de la théorie des dominos : il est souvent difficile d’apporter une modification ponctuelle sans ébranler l’édifice dans son ensemble »49. À titre d’exemple, l’ouverture de la PMA à des couples de femmes et à des femmes seules pourrait induire une pénurie de gamètes, le nombre de naissances qu’i est possible d’obtenir à partir d’un donneur étant limité à dix50, ce qui, par conséquence, prolongerait le délai d’attente. Cette pénurie pourrait se réduire si le législateur acceptait de supprimer le principe de gratuité : certains hommes acceptant de faire un tel don en contrepartie d’une rémunération. Or, une telle évolution normative est inconcevable, tant le principe de gratuité est ancré dans le modèle bioéthique français.

En effet, si certains principes, tels que celui de la gratuité, jouissent d’une pérennité dans le temps, la base même du fondement d’accès à la PMA, à savoir, une condition pathologique aucunement sociale, est perçue différemment aujourd’hui. Cela tient principalement au fait que les techniques liées à la PMA peuvent être détournées à des fins non-prévues au départ, fins non-médicales pouvant ouvrir des possibilités procréatives à des personnes qui ne sont pas forcément infertiles, comme les femmes homosexuelles. Cette conjonction des possibilités techniques avec des phénomènes sociaux constitue la principale raison du bouleversement du cadre conceptuel conçu en 1994.

Ce cadre a été marqué par plusieurs facteurs : tout d’abord, le souci de codification (le droit français appartenant à la famille de droit romain), mais surtout la volonté de définir un statut général du corps humain par un minutieux et ambitieux dispositif légal. Cela diffère du système de la Common Law51, tradition juridique plus souple, où la liberté du juge l’incite souvent à favoriser l’autonomie personnelle des sujets, les deux libertés étant en synergie l’une par rapport à l’autre. Par ailleurs, contrairement aux droits continentaux, la Common Law adopte une approche plus souple de la filiation, ce qui permet aux juges et aux instances de régulation de proposer des solutions qui, dans d’autres pays, relèveraient de la législation. Ce particularisme des sources du droit peut aussi bien dicter une attitude plutôt pragmatique, ou un attachement à des grands principes. L’Allemagne illustre bien ce particularisme : le législateur a choisi d’intervenir sur des axes préférentiels, comme la protection de l’embryon, en fixant des limites sous forme d’infractions pénales, tout en laissant le corps médical ériger des normes déontologiques ponctuelles. Celles-ci ne proposent pas un dispositif complet ni un positionnement concernant certaines questions éthiques (à titre d’exemple, le principe de gratuité du don de sperme le don d’ovocyte étant interditest absent du dispositif).

Ensuite, le cadre conceptuel français a été marqué par la dimension collective de la PMA. Ce sont l’intervention de la technique et l’organisation qu’elle requiert qui impliquent une dimension collective plus évidente que celle des procréations spontanées. Cela s’intègre dans une logique globale, traduisant la perception du rôle de la loi et le degré légitime d’interférence dans la sphère privée. En France, le législateur intervient en toute légitimité, et la PMA est considérée comme un projet de société. En revanche, en Grande-Bretagne, il existe une certaine ambiguïté vis-à-vis de l’interférence de l’État dans ce domaine, considéré comme relevant de la sphère privée, ce qui conduit à réduire son ingérence.

La collectivité est également impliquée en raison du financement accordé par l’État, ce qui n’est pas étonnant en France, étant donné que le régime de la PMA s’inscrit dans une logique de santé publique, à propos d’une pathologie. Plus la PMA sera conçue dans un cadre thérapeutique plutôt que sociétal, plus l’intervention de l’État sera perçue comme légitime pour enraciner la technique dans un cadre hétérosexuel traditionnel. En revanche, si la société considère la PMA comme un mode de procréation autonome et assume son caractère non thérapeutique, ce que suggère la révision envisagée, la fonction de la loi se bornera à suivre les avancées technologiques en effectuant un contrôle de qualité, sans jugement de valeur sur les usages de la technique ; cela peut aboutir à l’effacement de la frontière du scientifique et du politique, que l’on retrouve dans de nombreux pays occidentaux où les questions soulevées par cette révision ne semblent pas correspondre à un tel enjeu sociétal.

Conclusion

Malgré la différente sensibilité à l’égard de certains principes et valeurs dans les divers dispositifs nationaux de la PMA, on note partout la même convergence idéologique, à savoir l’émergence et la généralisation de l’idéal d’autonomie personnelle52 en tant que véritable vecteur de changement normatif53. Dans la plupart des pays occidentaux, ce concept, sans être explicitement reconnu par le législateur davantage que par la jurisprudence, semble inspirer une évolution autour des technologies procréatives, couvrant des choix idéologiques, économiques et techniques. Cet alignement progressif sur une extension de la sphère d’autonomie personnelle pousse les droits à une certaine convergence. Il évoque l’incontournable question de l’alignement du droit sur le fait : l’institutionnalisation de certaines situations pose la question de sa neutralité, car celle-ci peut sembler encourageante et même, dans une société démocratique où la société civile a plus de poids que jamais, faite sous la pression de certaines minorités qui imposent leur volonté de « minorité concernée » à une majorité à laquelle cela n’enlève rien car elle n’est pas « concernée ». Cette pression est d’autant plus présente du fait de l’émergence du phénomène de déplacement à l’étranger afin d’accéder à certains traitements nécessaires à la PMA. D’un côté, ce déplacement à l’étranger peut être considéré comme une forme de résistance civile, incitant les législateurs des pays d’origine à être plus permissifs. De l’autre, cette zone de « non-droit » peut être considérée comme une soupape nécessaire pour le maintien de l’ordre établi. Mais dans les deux cas, personne ne peut contester que ce phénomène soit la preuve d’une revendication d’autonomie qui ne cesse de croître. La prochaine révision permettra de suivre ce fil conducteur qui signe l’émergence d’une autonomie personnelle (ou sa généralisation), autrement dit, qui reflètera probablement une demande d’autonomie par rapport au modèle bioéthique traditionnel français.

Liens d’interêt

L’auteure déclare n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.


1

Loi n° 94-653 du 29 juillet 1994 relative au respect du corps humain ; Loi n° 94-654 du 29 juillet 1994 relative au don et à l’utilisation des éléments et produits du corps humain, à l’assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal.

2

Art. 47.I., Loi n° 2011-814 du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique. Cependant, les délais légaux ont toujours été dépassés : les lois de 1994 étaient censées être révisées dans un délai de 5 ans, mais l’ont été en 2004 (Loi n° 2004-800 du 6 août 2004 relative à la bioéthique) ; la loi de 2004, ayant le même délai, n’a été révisée qu’en 2011 (Loi n° 2011-814 du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique). La prochaine révision est prévue au cours de l’année 2019.

3

Art. 46.1., Loi n° 2011-814 du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique. Les États généraux ont eu lieu entre janvier et mai 2018.

4

Sur l’objectivité du rapport du CCNE à l’issue de ce débat, on pourra consulter le commentaire de M.A. Hermitte et J. Testart : « Pourquoi le rapport du CCNE à l’issue des états généraux de la bioéthique ne sera pas objectif ». Le Figaro, 23 mai 2018. L’organisation des différents débats, marquée par le déséquilibre du temps de parole laissé aux différents militants, a également fait l’objet de virulentes critiques.

5

Rapport de synthèse du Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE) sur les États généraux, juin 2018 (https://www.ccne-ethique.fr/sites/default/files/rapport_de_synthese_ccne_bat.pdf) ; Révision de la loi de bioéthique : quelles options pour demain ? Conseil d’État, Section du rapport et des études, Étude adoptée en assemblée générale le 28 juin 2018 (http://www.conseil-etat.fr/content/download/138941/1406918/version/1/file/Conseil%20d%27Etat_SRE_%C3%A9tude%20PM%20BIOETHIQUE.pdf) ; l’avis n° 129 - Contribution du Comité consultatif d’éthique à la révision de la loi de bioéthique, septembre 2018 (https://www.ccne-ethique.fr/fr/publications/contribution-du-comite-consultatif-national-dethique-la-revision-de-la-loi-de) ; et le Rapport d’évaluation de la loi relative à la bioéthique de l’Office parlementaire des choix scientifiques et techniques (OPECST), octobre 2018 (http://www.assemblee-natio-nale.fr/dyn/15/dossiers/evaluation_application_loi_bioethique).

6

Par techniques de PMA, nous entendons des techniques de soins contre l’infertilité nécessitant la manipulation de gamètes en dehors du corps humain (art. L. 2141-1, Code de la santé publique, CSP) : la conception in vitro, la conservation des gamètes, des tissus germinaux et des embryons, le transfert d’embryons et l’insémination artificielle. Ces techniques peuvent être utilisées avec ou sans tiers donneur.

7

Art. L. 2141-2, CSP.

8

Le dépôt d’une requête en divorce ou en séparation de corps ou la cessation de la communauté de vie font obstacle au recours à la PMA (art. L 2141-2, al.3, CSP). La condition liée à la durée de vie commune des couples non mariés a été assouplie : ils ne sont désormais plus tenus de rapporter la preuve d’une vie commune au moins égale à deux ans (l’art. 33 de la loi du 7 juillet 2011 a supprimé cette condition).

9

Art. L. 2141-2, CSP.

10

Art.L.2141-3, al.1, CSP.

11

Art. 16-8, Code civil.

12

L’établissement d’un lien de filiation avec le donneur de gamètes est explicitement interdit, ainsi que toute action en responsabilité à son encontre (art. 311-19, Code civil).

13

Art. L. 1211-5, CSP.

14

Art. 16-7, Code civil.

15

Jusqu’au jour du 43e anniversaire de la patiente, ces prestations sont intégralement prises en charge, dans lalimitedesixinséminationsartificielles(uneparcycle) et/ouquatretentativesde FIV(recueilovocytaireet transfert embryonnaire) -art. L.162-1-7, Code de la sécurité sociale (la PMA étant incluse dans cette liste). La prise en charge des traitements d’infertilité diverge d’un pays à l’autre : certains États, tels que l’Irlande, la Suisse, l’Ukraine, Chypre et le Luxembourg, ne prévoient aucune prise en charge ; d’autres posent des conditions plus restrictives qu’en France.

16

Notons l’opposition à cette pratique dans tous les avis du CCNE et de ceux du Conseil d’État.

17

Contribution du CCNE à la révision de la loi de bioéthique 2018-2019, Avis n° 129 publié le 25 septembre 2018.

18

Révision de la loi de bioéthique : quelles options pour demain ? Rapport du Conseil d’État, p. 211.

19

Loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.

20

Cet argument est contestable du fait que le régime de la PMA ne doit pas forcément être aligné sur le régime de l’adoption : dans le cas de l’adoption, il s’agit d’accueillir un enfant né, avec un examen d’aptitude des adoptants, alors que dans la PMA la conception de l’enfant est planifiée sans recourir à un tel contrôle.

21

Les couples de femmes ainsi que les femmes seules peuvent en outre obtenir une grossesse à partir d’un don amical ; l’insémination réalisée en dehors d’un cadre médical, ne rentre pas dans le champ de la PMA qui suppose l’intervention d’un tiers, ce qui justifie le droit de regard de la société et l’instauration d’un régime spécifique. Ainsi, dans une telle hypothèse, en cas d’insémination artisanale, les règles interdisant d’établir la paternité du donneur de sperme ou de tenter une action en responsabilité à son encontre ne s’appliquent pas.

22

Cass., Avis, 22 septembre 2014, n° 15010 et 15011.

23

Révision de la loi de bioéthique : quelles options pour demain ? Rapport du Conseil d’État, p. 15. Les auteurs de ce rapport soulignent que « ni le fait que l’adoption soit ouverte aux couples de femmes et aux personnes seules, ni le principe d’égalité, ni le droit au respect de la vie privée, ni la liberté de procréer, pas plus que l’interdiction des discriminations, ne rendent nécessaire l’ouverture d’accès à la PMA » (p. 49). Le Conseil constitutionnel a également déclaré que « la différence de situation entre les couples de même sexe et les couples composés d’un homme et d’une femme peut justifier une différence de traitement quant aux règles du droit de la famille » (Décision n° 2010-92 QPC, 28 janvier 2011, Mme Corinne C. et autre).

24

En avril 2016, pendant la campagne présidentielle, le candidat Emmanuel Macron avait indiqué, dans un courrier aux associations LGBT (lesbiennes, gays, bis et trans), qu’il attendrait que le CCNE « ait rendu son avis [...], pour pouvoir construire un consensus le plus large possible », tout en se disant « favorable » à une loi ouvrant la PMA « aux couples de lesbiennes et aux femmes célibataires ». « Si un tel débat aboutit favorablement, je légaliserai la PMA, mais je ne le porterai pas comme un combat identitaire » (https://www.franceinter.fr/societe/la-france-fait-un-pas-vers-la-pma-pour-les-lesbiennes-et-les-celibataires-et-maintenant).

25

CCNE, Demandes sociétales de recours à l’assistance médicale à la procréation, Avis n° 126, 15 juin 2017.

26

Les deux femmes ayant un droit de garde, même en cas de séparation ; le droit de l’enfant d’obtenir de l’aide de toutes les deux et d’hériter d’elles ; le droit de la partenaire de la mère de prendre certaines décisions à l’égard de l’enfant, facilitant ainsi la gestion de la vie quotidienne.

27

Norme qui ne changerait pas, en vertu de l’adage mater semper certa est.

28

Les auteurs du rapport du Conseil d’État soulignent qu’au regard du principe de solidarité et de l’enjeu financier relativement modeste (il s’agirait seulement de prendre en charge l’acte même d’insémination artificielle avec le sperme du donneur, ce qui représenterait entre 500 et 1500 euros, car la stimulation et la grossesse sont déjà prises en charge), il serait difficile d’établir des différences dans la prise en charge (Révision de la loi de bioéthique : quelles options pour demain ? Rapport du Conseil d’État, p. 15).

29

La seule référence dans la Human Fertilisation and Embryology Act de 1990, était le critère de bien-être de l’enfant, mentionné dans l’art. 13, al. 5 : « including the need of that child for a father ». Cette clause, considérée comme discriminatoire à l’égard des femmes sans partenaire masculin, et en contradiction avec la législation en matière de prohibition de discrimination sur le fondement d’orientation sexuelle (en particulier, Equality Act (Sexual Orientation) Regulations 2007, n° 1263), a été remplacée par la Human Fertilisation and Embryology Act de 2008 : « including the need of that child for supportive parenting ».

30

D’une part, l’homme et la femme formant le couple doivent être vivants ; d’autre part, le décès de l’un d’entre eux fait obstacle à l’insémination ou au transfert d’embryons (art. L. 2141-2, CSP).

31

Art. L. 2141-4, II, CSP.

32

Art. III, 4, 1, Arrêté du 3 août 2010 modifiant l’arrêté du 11 avril 2008 relatif aux règles de bonnes pratiques cliniques et biologiques d’assistance médicale à la procréation.

33

CEDH, 8 juillet 2004, Vo c/ France, n° 53924/00.

34

En Belgique, la procréation post mortem est autorisée dès lors qu’elle est prévue contractuellement ; elle doit être réalisée entre 6 mois et 2 ans après le décès du père (la loi du 6 juillet 2007 relative à la procréation médicalement assistée).

35

Le recours à la PMA post mortem est autorisé en Espagne sous une double condition : l’existence d’un consentement explicite du défunt, celui-ci pouvant être présumé si un processus de PMA est déjà engagé ; et la réalisation du traitement dans un délai de 12 mois suivant le décès (Loi portant sur les techniques de procréation médicalement assistée, 26 mai 2006, n° 14/2006).

36

En Grande-Bretagne, la mise en place d’un cadre légal clair par la Human Fertilisation and Embryology (Deceased Fathers) Act, 2003, joint à la rareté des cas, n’a pas donné lieu à un contentieux important concernant cette pratique. Le père doit consentir de son vivant en faveur d’une personne déterminée ; ce consentement écrit, avec une attestation médicale des faits, doivent être envoyés à un registre spécial afin d’enregistrer l’enfant dans le registre de naissance.

37

Une différence de régime peut être observée en Allemagne : si l’insémination post mortem est explicitement interdite par la Loi sur la protection de l’embryon du 13 décembre 1990 (art. 4(1)(3)), en revanche, aucune disposition de cette loi et, malgré son intitulé, n’autorise explicitement le transfert d’embryon post-mortem.

38

Selon le doyen Carbonnier, « quand bien même l’opération n’aurait rien d’immoral, elle devrait être tenue pour illicite : c’est une entreprise d’immortalité, fût-ce à l’échelle réduite, alors que la condition de mortel est d’ordre public », Carbonnier J. Droit civil, t.1, Les personnes, 18e éd., n° 20.

39

CCNE, Avis n° 40 du 17 décembre 1993 ; avis n° 60 du 25 juin 1998 ; avis n° 67 du 18 janvier 2001 ; avis n° 113 du 10 février 2011.

40

Révision de la loi de bioéthique : quelles options pour demain ? Rapport du Conseil d’État, p. 16.

41

Cette technique consiste à déshydrater l’ovocyte au moment de la congélation et à le réhydrater lors de la décongélation, ce qui minimise la formation de cristaux. Selon l’Académie de médecine, la congélation lente n’offre qu’un taux de 10 à 12 % de grossesse par embryon transféré contre plus de 40 % après vitrification (Rapport sur la conservation des ovocytes, Académie nationale de médecine, 13 juin 2017, p. 6 : https://www.fiv.fr/media/Rapport-Academie-de-Medecine-19-Juin-2017-conservation-ovocytes.pdf).

42

En l’absence de technique efficace de congélation d’ovocytes, certaines femmes ont eu recours à la congélation d’embryons, conçus avec leurs ovocytes et le sperme d’un donneur ou de leur compagnon. La possibilité de congeler des ovocytes sans les féconder réduirait le nombre d’embryons à congeler.

43

Art. L. 1244-2, CSP.

44

Selon les auteurs du rapport du Conseil d’État, il est nécessaire de conserver 15 à 20 ovocytes pour avoir des chances sérieuses d’obtenir une grossesse, le taux de grossesse par ovocyte dévitrifié étant de 4,5 à 12 % - Révision de la loi de bioéthique : quelles options pour demain ? Rapport du Conseil d’État, p. 89.

45

L’accès à un tel traitement est encouragé par des entreprises multinationales, telles que Apple et Facebook.

46

Voir la description de George David, fondateur des CECOS, qui a été témoin de la mise en place du modèle transfusionnel dans les établissements hospitaliers [13].

47

Selon George David, le bénévolat étant étroitement lié à l’anonymat, comme le don de sang, leur dissociation ouvrirait la porte à une logique de marché. Dans son article [13], il fonde cette conviction sur les travaux du sociologue anglais Titmuss [15], dans les années 1970, qui comparait deux systèmes d’échange, l’un relevant des pratiques du marché, le système américain, l’autre du don bénévole, le système britannique. Ces études ont démontré les avantages très nets du don bénévole tant sur le plan économique que social.

48

L’argument de la paix des familles sera toutefois interprété dans un autre sens pour contester la règle de l’anonymat : de nombreux parents, face à la souffrance des enfants en quête de leurs origines, auraient préféré qu’ils accèdent à ces informations pour apaiser le climat familial.

49

Révision de la loi de bioéthique : quelles options pour demain ? Rapport du Conseil d’État, p. 11.

50

Art. L. 1244-4, CSP.

51

La Common Law est un système juridique dont les règles sont principalement édictées par les tribunaux au fur et à mesure des décisions individuelles. La juris-prudence est ainsi la principale source du droit et la règle du précédent oblige les juges à suivre les décisions prises antérieurement par les tribunaux.

52

Nous entendons le terme « autonomie » dans un sens permissif, vers une quête d’extension des possibilités procréatives.

53

Pour une étude des régimes français, allemand et britannique de la PMA et de l’influence de l’émergence et de la généralisation de l’autonomie personnelle sur ces dispositifs, voir [17].

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