Identification de cellules progénitrices initiatrices du carcinome hépatocellulaire (brèves ; 05/05/2014)

Frédéric Lemaigre
Le cancer du foie ou carcinome hépatocellulaire (CHC), troisième cause de décès lié au cancer dans le monde, survient majoritairement dans un contexte d’hépatopathie chronique et de cirrhose. L’incidence annuelle du CHC est d’environ 5 % chez un patient cirrhotique. L’origine cellulaire de ces tumeurs est discutée, l’existence de cellules progénitrices initiatrices de CHC (HcPC) au sein de lésions prétumorales faisant toujours débat. L’équipe de M. Karin (University of California, San Diego, États-Unis) vient d’isoler et de caractériser des cellules de ce type à partir de deux modèles murins de tumorigenèse hépatique. Alors que le premier modèle est chimiquement induit par la classique diéthylnitrosamine (DEN), le second est un modèle génétique, plus proche du processus tumoral humain, puisque la délétion hépatospécifique de la kinase TAK1 (TGF-β activated kinase 1) induit la formation de CHC sur un foie préalablement cirrhotique. L’inflammation associée à la tumorigenèse est le point commun de ces deux modèles. La digestion par la collagénase des foies prétumoraux permet, dans les deux cas, d’obtenir deux populations cellulaires, une population de cellules isolées et une autre population de cellules hépatocytaires agrégées. Seules les cellules agrégées provoqueront, une fois réinjectées dans la rate de souris receveuses, une tumorigenèse hépatique à condition que le foie de celles-ci soit chroniquement lésé. Ces cellules expriment des marqueurs hépatocytaires et biliaires, suggérant qu’elles sont bipotentes. L’analyse transcriptomique de ces HcPC issues des deux modèles révèle non seulement des similitudes entre elles, bien que leur étiologie soit différente, mais aussi avec les cellules progénitrices dites ovales et les cellules issues de CHC constitutés. Un enrichissement en marqueurs exprimés par des cellules souches cancéreuses comme CD44, CD90 ou EpCAm est également noté. Enfin, la voie de signalisation de l’IL-6, dont les composants sont enrichis dans les HcPC et les CHC, semble être essentielle à la progression tumorale, son inhibition réduisant le potentiel tumorigène de ces cellules après transplantation. Cette expression augmentée d’IL-6, via LIN-28, et de STAT3, est également retrouvée dans des lésions prétumorales, encore appelées nodules dysplasiques, chez des patients infectés chroniques par le virus de l’hépatite C. Même si l’origine cellulaire de ces progéniteurs tumoraux n’est toujours pas identifiée dans ce travail (cellule ovale progénitrice ou hépatocyte dédifférencié ?), il semble bien que la progression des lésions dysplasiques vers un CHC passe par ces cellules progénitrices, et qu’une inhibition pharmacologique de la voie IL-6/STAT-3, déjà activée dans ces lésions prétumorales, puisse avoir un impact dans la prévention de leur progression vers la malignité.
Hélène Gilgenkrantz
Inserm U1016-CNRS UMR 8 104, Institut Cochin, Paris, France
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Référence
- He G, et al. Cell 2013 ; 155 : 384-96.