Plantes contre herbivores, défense et contre-attaque (brèves ; 05/05/2014)

Plantes contre herbivores, défense et contre-attaque © Inserm
Patrice Latron

Les réactions des plantes aux attaques extérieures sont innombrables [1] : contre des pathogènes microbiens, la plante peut utiliser l’acide salicylique (SA), et contre les insectes herbivores, elle se défend grâce à l’acide jasmonique (JA)/éthylène (ET). Entre ces deux voies de signalisation, l’interaction est permanente et antagoniste. Les insectes herbivores, quant à eux, réagissent par la sécrétion dans leur salive d’effecteurs susceptibles de contrer cette défense. Des chercheurs de l’Université de Pennsylvanie viennent d’analyser le rôle que jouent dans cette parade les symbiotes microbiens de ces herbivores [2]. De nombreux exemples connus, montrant que les herbivores ont détourné à leur profit énergie, nutriments et vitamines de la plante sont cités par les auteurs qui ont recherché par quel mécanisme des symbiotes influencent l’interaction plante-insecte [3]. Par exemple, comment les larves de doryphores (Colorado potato beetle) (CPB), parasites de la pomme de terre, réussissent-elles à surmonter la réaction de défense de la tomate (Solanum lycopersicum) dont elles consomment aussi les feuilles ? Une comparaison entre l’action de larves traitées par antibiotique (détruisant les symbiotes microbiens) et celle de larves non traitées, montre que seules ces dernières diminuent les réponses anti-herbivores de la voie JA, en augmentant par ailleurs les réponses de la voie SA, confirmant l’antagonisme de ces 2 voies. Cette réaction n’est pas observée chez la tomate NahG, déficiente en SA, confirmant que la défense JA dépend de la voie SA. Une action similaire de la tétracycline sur la chrysomèle des racines de maïs (D. virgifera virgifera) avait aussi été décrite, mais sans être interprétée [3]. Ainsi, on constate que des réactions à l’attaque d’insectes herbivores sont comparables à celles dirigées contre les pathogènes microbiens, sous contrôle de la voie SA. Comment peut-on l’expliquer ? Tout simplement parce que les larves possèdent dans leurs sécrétions salivaires (en l’absence d’antibiotiques) des bactéries : trois familles de bactéries, Senotrophomonas, Pseudomonas et Enterobacter, dont le rôle dans la suppression des défenses est prouvé par la suppression de l’activité polyphénol oxydase (PPO) (la mesure de cette activité est le reflet de celle de la voie de l’acide jasmonique), ont été trouvées. La preuve est apportée par le fait que la réinoculation de ces bactéries dans des larves traitées par antibiotiques restaure la suppression de l’activité PPO, reflet de la défense de la plante hôte. L’ensemble des résultats montrent donc la possibilité pour les insectes herbivores d’exploiter leurs symbiotes qui se comportent en effecteurs, la plante percevant alors l’attaque comme celle d’un pathogène bactérien. Le doryphore herbivore peut ainsi se soustraire à la défense spécifique de l’hôte, et ce via l’interaction négative entre les deux voies de signalisation JA et SA. Ceci n’est qu’un exemple des innombrables ruses qu’utilisent les herbivores contre leurs hôtes.

Dominique Labie
Inserm U567-CNRS UMR 8 104, Institut Cochin, Paris, France
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Références

  1. Felton GW. Curr Opin Plant Biol 2008 ; 11 : 457-63.
  2. Chung SH, et al. Proc Natl Acad Sci USA 2013 ; 110 : 15728-33.
  3. Barr KL, Hearne LB. PLoS One 2010 ; 5 : e11339.