Le génome du Yak en altitude (brèves ; 15/11/2012)

Le Tibet compte plus de trois millions de Tibétains et environ 14 millions de Yaks domestiques. Tout est bon dans le yak ! Mort, sa peau sert à fabriquer des tentes et sa chair est délicieuse ; vivant, il fournit de la laine, sert de monture, donne du lait à ses propriétaires et ses excréments sont utilisés comme combustible ! Mais ce n’est pas pour cette dernière particularité que les yaks sont préférés aux bovins dans les chaînes himalayennes ! Mettez une vache sur le toit du monde, elle risque fort de mourir d’hypertension pulmonaire. Le yak, en revanche, est taillé pour l’altitude. Cet équipement de montagne comprend deux poumons plus larges, un coeur plus volumineux, une absence de vasoconstriction pulmonaire en hypoxie et un métabolisme énergétique plus élevé que celui de notre boeuf traditionnel. En revanche, leur caryotype est similaire comprenant 30 chromosomes. Pour décrypter les bases génétiques de cette adaptation à l’altitude, une équipe majoritairement chinoise a comparé le génome d’une femelle yak domestique à celui d’une vache [1]. D’un point de vue divergence globale du génome, le yak est à la vache ce que le chimpanzé est à l’homme. D’ailleurs, la distance phylogénétique qui nous sépare du chimpanzé est équivalente à celle qui sépare le yak de la vache puisqu’on estime que les deux animaux ont divergé il y a environ 4,9 millions d’années, ce qui ne les empêche pas de pouvoir s’accoupler pour engendrer des dzo (mâles) ou des dzomo (femelles). Les auteurs ont identifié 170 gènes spécifiques du yak, correspondant à 100 familles différentes de gènes. Deux catégories fonctionnelles majoritaires y sont représentées : l’olfaction et la défense immunitaire. Néanmoins, les modifications génétiques induites par l’adaptation à des conditions extrêmes relèvent plus souvent de l’amplification de gènes ou de domaines protéiques que de l’apparition de gènes spécifiques. Ainsi, 596 familles de gènes sont en expansion chez le yak par rapport aux espèces bovine, canidée et humaine. La perception sensorielle (olfaction et goût) et le métabolisme énergétique font leur apparition parmi celles-ci. Quant aux domaines spécifiques augmentés, on note les régions transmembranaires de récepteurs de type RCPG, plus nombreuses chez le yak que chez le bovin, ainsi que des domaines fortement exprimés en condition de stress hypoxique comme Hig-1-n pour hypoxia induced protein conserved région, que l’on retrouve à l’extrémité amino-terminale de protéines induites par l’hypoxie et dont le yak porte 13 copies contre seulement 9 chez la vache. Enfin, des gènes impliqués dans la régulation de la taille des vaisseaux, l’angiogenèse, la liaison à l’hème et la biosynthèse des glycérolipides sont également enrichis chez le yak. Parmi les gènes positivement sélectionnés on note des régulateurs (Adam17 et Arg2) ou des cibles (Mmp3) du facteur de transcription clé de la réponse à l’hypoxie, Hif1α, qui est également impliqué dans l’angiogenèse et le métabolisme énergétique. Adam 17 pourrait être un gène candidat intéressant pour l’adaptation aux sommets puisque des allèles de ce gène ont été trouvés à des fréquences très différentes entre hommes des altitudes et hommes des plaines. Cinq gènes du métabolisme des polysaccharides, des acides gras et des acides aminés ont également été sélectionnés chez le yak pouvant expliquer l’optimisation de l’assimilation nutritionnelle de l’animal lorsque les ressources alimentaires viennent à manquer en raison des conditions climatiques. Parmi ceux-ci, Glul, qui joue un rôle important dans le métabolisme des acides aminés, pourrait expliquer le haut niveau d’utilisation du nitrogène chez le yak. Voici donc quelques pistes lancées pour la prévention du mal des montagnes ou de certaines affections induites par l’altitude ! Et si vous vous demandez si Yak ne prendrait pas un c, sachez que l’académie accepte les deux orthographes !
Hélène Gilgenkrantz
Institut Cochin, Paris, France
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Références
- Qiu Q, et al. Nat Genet 2012 ; 44 : 946-9.