À propos de quelques termites kamikases… (brèves ; 24/10/2012)

Patrice Latron
Les animaux sociaux n’ont pas encore fini de nous étonner. Comme les Japonais au cours de la Seconde Guerre mondiale et les martyrs d’Allah aujourd’hui, certaines espèces de termites ont leurs kamikazes. C’est ce que vient de démontrer un groupe de chercheurs tchèques et belges dans une intéressante étude sur Neocapritermes taracua [1]. Ces termites, répandus en Guyane, se nourrissent de bois en décomposition. Certains des ouvriers ont deux taches bleues sur le dos à la jonction du thorax et de l’abdomen. D’autres en sont dépourvus : on distingue ainsi les ouvriers bleus des ouvriers blancs. Quand ils rencontrent des termites étrangers, en l’occurrence des Labiotermes labralis, les bleus deviennent agressifs, ils mordent (15 fois en 5 minutes contre 2 fois pour les blancs). Mais s’ils sont dépassés par les événements, ils forment des bulles qui explosent en se transformant rapidement en substance incolore, collante et très toxique pour les adversaires (dans l’expérience, sur 40 affrontements, 3 ont survécu, 11 furent paralysés et 26 furent tués). Une vidéo montre cette explosion spectaculaire [2]. Elle se produit en quelques secondes et coûte aussi la vie au termite. Les soldats aux énormes mandibules qui sont présents aux alentours restent indifférents au déroulement du drame. Et on en sait plus : l’examen des ouvriers bleus et blancs montrent que les mandibules des bleus sont bien plus érodées que celles des blancs. Ceci est dû à l’usure qui se produit avec le temps. Ce sont donc les ouvriers les plus âgés qui assurent en partie la défense de la colonie : ayant plus de difficulté à se nourrir, ils accumulent dans des poches situées près des glandes salivaires des cristaux bleus qui transparaissent sous l’épiderme. Ceux-ci contiennent une protéine de 76 kDa, contenant du cuivre et dont l’analyse chimique laisse supposer qu’elle appartient à la famille des métalloprotéines (de la famille des hémocyanines présentes chez des arthropodes, des mollusques, et quelques insectes [3]). En même temps que les poches, les glandes salivaires éclatent également et c’est le mélange entre les deux liquides qui produit le poison mortel. Ce genre d’attentat-suicide existe chez d’autres espèce de termites, mais il s’agit généralement de soldats, comme chez Globitermes sulphureus [4]. On peut aussi l’observer chez des fourmis comme Camponotus saundersi [5]. Mais dans aucun cas jusqu’à présent, le raffinement n’avait été poussé jusqu’à préparer extemporanément le cocktail exterminateur.
Simone Gilgenkrantz
médecine/sciences
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Références
- Sobotnik J, et al. Science 2012 ; 337 : 436.
- Cormier Z. Nature News 2012 (31 juillet) doi:10.1038/ nature.2012.11074.
- Amore V, et al. J Insect Sci 2011 ; 11 : 153.
- Bordereau C, et al. Insectes Sociaux 1997 ; 44 : 289-97.
- Jones TH, et al. J Chem Ecol 2004 ; 30 : 1479-92.