Le génome des gorilles (brèves ; 25/07/2012)

© France Loisirs
Une charmante gorille des plaines de l’ouest, prénommée Kamilah, a eu l’honneur, comme James Watson et Craig Venter [1] avant elle, d’être la première de son espèce àι bénéficier du séquençage de son génome [2]. Son ADN a été extrait de ses poils, méthode dernier cri et bien logique pour une descendante de la tribu des « femmes poilues » (ΥΟΠΙΛΛα en grec, gorille). En effet, c’est sous ce nom qu’un navigateur carthaginois, Hannon, avait ainsi décrit des êtres observés le long des côtes de l’Afrique de l’Ouest environ 500 ans avant notre ère. Le génome des chimpanzés [3], des orangs-outans [4] et de l’homme étant déjà décrypté, il restait à établir des comparaisons entre les quatre espèces d’hominidés qui subsistent de nos jours. Ce travail, mené par une équipe internationale dirigée par des chercheurs du Wellcome Trust Sanger Institute (Royaume- Uni) a été très exhaustif. Il a permis le calcul de la divergence entre homme-chimpanzé et gorille, évalué à 10 millions d’années. Pour étudier les changements génétiques apparus au cours de l’évolution, 11 000 gènes ont été analysés et comparés. L’analyse de points chauds de sélection positive à la recherche de mutations avantageuses, impliquées dans l’adaptation des populations, d’abord réalisée chez l’homme puis chez le chimpanzé et l’orangoutan [5], vient d’être complétée par celle du gorille. Elle peut être éclairante : l’évolution rapide des gènes de l’audition par exemple, que l’on supposait être corrélée chez l’homme à l’évolution du langage, s’est faite au même rythme chez le gorille, ce qui réfute cette interprétation. Concernant les gorilles eux-mêmes, les dissemblances génomiques entre les gorilles des plaines de l’ouest (Gorilla gorilla gorilla [au Gabon]) et ceux des plaines de l’est (Gorilla beringei graueri) permet de dater leur séparation à environ 1,75 million d’années, date à partir de laquelle les génomes se seraient progressivement éloignés jusqu’à devenir complètement distincts. Cette étude révèle aussi un fait étonnant : bien que les calculs estiment à 6 millions d’années la date de la séparation entre l’homme et le chimpanzé, 15 % du génome humain se rapprochent davantage de celui du gorille que de celui du chimpanzé. Comment expliquer cette incongruité dans l’arbre phylogénétique des hominidés ? Les ancêtres des gorilles ont pu se croiser avec un ancêtre commun à l’homme et au chimpanzé, un peu comme Homo sapiens et Néandertal. Il peut aussi y avoir eu des croisements entre les deux espèces de gorille. Enfin, désormais, l’étude comparative de l’expression et de la régulation des gènes des hominidés pourra nous éclairer sur l’histoire évolutive de la lignée humaine, dans une collaboration entre généticiens et paléontologues.
Simone Gilgenkrantz
médecine/sciences
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Références
- Jordan B, Med Sci (Paris) 2007 ; 23 : 875-6.
- Scally A, et al.Nature 2012 ; 483 : 169-75.
- Barriel V, Med Sci (Paris) 2004 ; 20 : 859-61.
- Locke DP, et al. Nature 2011 ; 469 : 529-33.
- Enard D, et al. Med Sci (Paris) 2010 ; 26 : 519-81.