TYRP1 chez les enfants blonds des îles Salomon (brèves ; 25/06/2012)

Blond Vanuatu boy
(© Graham Crumb)
Dans certaines îles du Pacifique, en Mélanésie (îles noires), certains enfants sont blonds. Leur peau a la même pigmentation foncée que les autres Mélanésiens. On avait supposé que ce caractère était la conséquence de métissages survenus dans le passé avec des explorateurs ou des colons venus d’Europe. Dans l’archipel des îles Salomon, la prévalence des enfants blonds est particulièrement élevée (5 à 10 %). Après avoir examiné 918 Salomoniens dont la pigmentation des cheveux a été mesurée par spectrométrie, un groupe de chercheurs a réussi à obtenir des prélèvements de salive de 43 personnes à cheveux blonds et de 42 personnes à cheveux foncés - avec parfois, en plus du consentement des personnes ou des familles, l’autorisation des chefs locaux [1]. Puis, une étude de GWAS (genome wide association) a permis très rapidement de trouver une région significative (avec un polymorphisme SNP élevé entre blonds et bruns) en 9p23. Or, cette région contient le gène TYRP1 (ou catalase B), un des gènes impliqués dans l’albinisme oculocutané (OCA), et responsable de l’OCA3. Les formes cliniques d’OCA3 - moins sévères que les formes OCA1 (dues à une mutation du gène TYR qui produit la tyrosinase) et OCA2 (dues à une mutation du gène P qui produit une protéine membranaire) - sont principalement l’albinisme rufous et l’albinisme brun. L’albinisme rufous (ou roux), tyrosinase positive, a été rapporté dans les populations noires d’Afrique du Sud et du Nigeria. Quand la mutation est hétérozygote, avec perte d’expression du gène sur un seul allèle, la sensibilité au soleil est moins sévère et des pigments sont présents dans la rétine. Les formes homozygotes ou hétérozygotes composites sont plus sévères. Chez les enfants blonds des îles Salomon, le séquençage des exons de TYRP1 a montré une mutation R93C dans l’exon 2 (substitution d’une arginine par une cystéine). Or, le même type de mutation, en l’occurrence R38C, sur le gène orthologue Tyrp1 murin, est observé dans le phénotype « brun clair » chez la souris. Comme le fonctionnement de Tyrp1 a été bien étudié, avec activité catalase dans les cellules pigmentaires murines, il sera intéressant de reprendre l’étude chez l’homme où il ne semble pas exister d’activité DHICA oxydase (acide 5,6-dihydroxyindole-2-carboxylique) [2] et de comprendre pourquoi, le plus souvent, la diminution de la pigmentation n’atteint que les cheveux. Mais, contrairement à certains pays d’Afrique où les albinos sont discriminés, les Salomoniens blonds ne le sont pas. L’idée que leur phénotype relève d’une pathologie serait fort regrettable, d’autant que dans l’étude que nous venons d’évoquer, la blondeur des sujets étudiés ne s’explique que dans un peu moins de la moitié des cas.
Simone Gilgenkrantz
médecine/sciences
Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.
Références
- Kenny EE, et al. Science 2012 ; 336 : 554.
- Boissy RE, et al. Exp Dermatol 1998 ; 7 : 198-204.