Les parasitoses intestinales, une pandémie négligée (brèves ; 25/07/2012)

Les parasitoses intestinales, une pandémie négligée

© Inserm - Yves Pouliquen

Selon l’Organisation mondiale de la santé, la charge attribuable au manque d’eau, de moyens d’assainissement et d’hygiène équivaut à 1,8 million de décès et à la perte de plus de 75 millions d’années de vie en bonne santé. Les parasitoses intestinales sont directement liées à ces conditions environnementales défavorables car transmises par ingestion ou par voie transcutanée, principalement dans les pays à faibles revenus ayant un accès limité à l’eau potable. Depuis de nombreuses années, les États-Unis ont mis en place des contrôles sanitaires dans leur processus d’immigration. En 1999, un traitement antiparasitaire par une dose unique de 600 mg d’albendazole est systématiquement proposé aux réfugiés Africains et du sud-est asiatique avant le départ de leur pays. L’albendazole est un antiparasitaire de la classe des benzimidazolés, généralement actif sur les nématodes et inactif sur les protozoaires. Après sa métabolisation hépatique en dérivé sulfoxide, l’albendazole agit en inhibant la polymérisation de la tubuline et la captation du glucose par les parasites. Il en résulte un effet larvicide, ovicide et antiparasitaire sur les vers adultes. Un article récent paru dans le New England Journal of Medicine compare les populations parasitaires intestinales chez les réfugiés ayant reçu de l’albendazole à partir de mai 1999 jusqu’en 2007 à ceux qui n’en ont pas reçu avant cette date [1]. Près de 27 000 réfugiés ont été évalués. Environ 20 % d’entre eux, pour lesquels on dispose d’au moins un examen parasitologique des selles analysable, ont un parasitisme intestinal. Les espèces rencontrées sont principalement les nématodes : agents de l’ankylostomose (Necator americanus, Ancylostoma duodenale), de l’ascaridiose (Ascaris lumbricoides), de la trichocéphalose (Trichuris trichiura), de l’anguillulose (Strongyloides stercoralis), protozoaires tels que Giardia intestinalis et par les nématodes de 77 % après une dose d’albendazole, et spécifiquement une réduction respective de 93 et 96 % des ascaridioses et ankylostomiases. Dans la population des moins de 15 ans, la prévalence de giardiase, ascaridiose et trichocéphalose est significativement plus élevée que dans la population des adolescents et adultes. Ceci est possiblement dû à l’acquisition d’une immunité relative avec l’âge pour ces parasites, à la fois par la production d’anticorps spécifiques et par l’immunité adaptative de type Th2 [2]. Un autre résultat intéressant est celui de la prévalence masculine dans la population infectée. Les auteurs arguent d’occupations différentes entre homme et femmes, signifiant une relation sociologique particulière à l’environnement selon le sexe de l’individu. Cependant, pour d’autres pathologies comme les infections fongiques invasives, la susceptibilité liée au sexe est démontrée dans des études épidémiologiques [3, 4]. D’autre part, des travaux expérimentaux in vivo menés chez des rats infectés par Strongyloides venezuelensis démontrent que les oestrogènes ont un effet protecteur antiparasitaire alors que la testostérone accroît la susceptibilité au parasite [5]. Face à ce problème majeur de santé publique qu’est le parasitisme intestinal, une réponse durable pourrait être apportée par la compréhension des mécanismes immunitaires mis en jeu, plus que par l’utilisation d’antiparasitaires, dont l’efficacité est certes prouvée, mais qui n’empêche pas la réinfestation dans les zones endémiques.

Blandine Rammaert
Service des maladies infectieuses et tropicales Hôpital Necker-enfants malades, Paris, France.
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Références

  1. SwansonS SJ, et al. N Engl J Med 2012 ; 366 : 1498-507.
  2. Harris NL, Trends Parasitol 2011 ; 27 : 288-93.
  3. Dromer F, et al. AIDS 2004 ; 18 : 555-62.
  4. Lanternier F, et al. Clin Infect Dis 2012 ; 54 : S35-43.
  5. Rivero JC, et al. J Vet Med Sci 2002 ; 64 : 519-21.