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Med Sci (Paris)
Volume 41, Numéro 3, Mars 2025
Les mots de la science
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Page(s) | 281 - 281 | |
Section | Repères | |
DOI | https://doi.org/10.1051/medsci/2025037 | |
Publié en ligne | 21 mars 2025 |
Artéfact
Artefact
Inserm Département de la Science Ouverte (DSO) Paris, France
Voilà un mot dont le sens varie selon les disciplines. Dérivé du latin arte factus, il désigne un objet fabriqué avec art. Il est d’ailleurs apparenté au mot « artifice », qui évoque quelque chose d’ingénieux, voire habile, ainsi qu’au mot « artificiel », qui renvoie à ce qui n’est pas naturel.
En archéologie, le terme « artéfact » est utilisé pour désigner les objets façonnés par l’homme, dont certains restent très mystérieux, comme les moaï de l’île de Pâques, les mégalithes de Stonehenge en Angleterre, ou les alignements de menhirs de Carnac en France. En revanche, en biologie, comme en physique ou en chimie, un artéfact désigne un phénomène indésirable dû aux conditions expérimentales. Un tel phénomène est susceptible d’induire une erreur d’interprétation s’il est méconnu, comme lorsque l’on conclut à tort à la présence d’une protéine dans un échantillon biologique lorsque l’anticorps utilisé pour la révéler manque de spécificité. L’artéfact porte donc, dans les sciences expérimentales, une connotation négative.
Certains artéfacts sont connus, et l’interprétation des résultats d’expériences doit en tenir compte. C’est le cas par exemple des modifications de structures intracellulaires qui peuvent être observées par microscopie en fonction des produits utilisés lors de la préparation des cellules ou des tissus. De même, on sait que des mouvements musculaires aussi simples que les clignements des yeux peuvent créer des artéfacts sur les tracés électroencéphalographiques de l’activité électrique du cerveau. Mais de nombreux artéfacts passent inaperçus et peuvent conduire à des conclusions erronées. Ainsi, de nombreux articles scientifiques réanalysent des résultats qui se sont révélés être des artéfacts1.
À l’inverse, certains résultats inattendus, d’abord considérés comme des artéfacts, se sont avérés authentiques et ont conduit à de véritables découvertes. Ainsi, il aura fallu plusieurs années et expérimentations pour convaincre le biochimiste américain Thomas Cech que l’activité catalytique qu’il avait observée avec certains ARN capables d’auto-épissage n’était pas due à une contamination de sa préparation par des protéines enzymatiques. Cette découverte lui valut le prix Nobel de chimie, partagé avec Sidney Altman, en 1989.
C’est dire combien identifier et comprendre les artéfacts est essentiel pour progresser dans la connaissance scientifique. Finalement, cette discordance de ressenti de l’artéfact, positif en art, négatif en sciences biologiques, pourrait bien disparaître un jour si l’Homme parvenait à produire par exemple une cellule complètement artificielle ! En tout cas, nul doute que si un « Journal of artefactual results » existait, il aurait beaucoup de succès !
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