Free Access
Issue
Med Sci (Paris)
Volume 20, Number 10, Octobre 2004
Page(s) 847 - 847
Section Nouvelles
DOI https://doi.org/10.1051/medsci/20042010847
Published online 15 October 2004

L’accumulation de mutations ponctuelles ou de délétions de l’ADN mitochondrial (ADNmt) au cours du vieillissement chez l’homme est connue depuis longtemps [1]. Ces mutations sont « hétéroplasmiques » car il existe des copies normales de l’ADNmt et quelques copies comportant ces mutations. L’hypothèse d’une relation entre ces mutations et le processus du vieillissement a naturellement été avancée, et de nombreux auteurs ont essayé de nous convaincre que ces modifications étaient la - ou tout au moins l’une - des causes de vieillissement. Cependant, ces mutations ne touchent qu’une très faible proportion de l’ADNmt total (0,01 à 0,1 %) et leur responsabilité dans les processus de vieillissement est toujours restée très controversée [2].

Pour essayer de faire progresser cette question, les groupes de Nils Larsson à Stockholm (Suède) et de Howard Jacobs à Tampere (Finlande) ont construit une souris knock-in qui exprime une forme d’ADN polymérase mitochondriale (PolgA) mutée dans son domaine d’activité exonucléase mais sans modification de l’activité polymérase [3]. La PolgA est codée par un gène nucléaire puis transportée dans la mitochondrie. Cette polymérase est spécifique de l’ADNmt et permet sa réplication et la correction des erreurs qui surviennent au cours de cette réplication [4]. La forme mutée de la PolgA est donc sensée permettre une réplication normale de l’ADNmt mais ne pas corriger les erreurs de réplication. C’est effectivement ce qui se passe puisque, chez la souris exprimant la PolgA mutée, les mutations somatiques de l’ADNmt s’accumulent, de l’ordre de neuf à 15mutations par kilobase, et on trouve également une molécule d’ADNmt délétée et linéaire. L’activité de la chaîne respiratoire, dont une partie des protéines est codée par l’ADNmt, est réduite, démontrant la responsabilité des mutations dans le phénotype observé. Ces anomalies doivent apparaître dès le début du développement embryonnaire puisque leur présence est générale dans tous les tissus. Quant à la souris ellemême, c’est un parfait modèle de vieillissement. Jusqu’à 25 semaines, âge du jeune adulte, les souris sont parfaitement normales, mais ensuite on voit apparaître une cyphose majeure et une alopécie. Apparaissent également une diminution du tissu adipeux, une ostéoporose, une anémie et une hypertrophie cardiaque. On observe une réduction importante de la fertilité chez les mâles et les femelles au-delà de 20 semaines. La durée de vie moyenne de ces animaux est de 48 semaines et n’excède jamais 61 semaines. Les photographies de ces animaux parlent d’elles-mêmes et le vieillissement précoce est évident : les souris ont l’aspect de vieillards chenus et fragiles, elles sont toutes maigres avec un pelage pauvre et peu fourni. Il ne leur manque que la canne et la voix chevrotante…

Il est intéressant de noter que le déclenchement du vieillissement prématuré n’est pas associé à l’apparition massive de mutations à un moment donné. Il semblerait plutôt qu’il soit lié à l’accumulation très progressive de dégâts diffus dus à ces mutations. La théorie de la surproduction de radicaux libres par une chaîne respiratoire défectueuse revient donc en force, bien que cet aspect n’ait malheureusement pas été analysé chez ces souris.

Cette souris mtDNA mutator montre donc pour la première fois que l’accumulation massive de mutations de l’ADNmt induit un vieillissement précoce avec des caractéristiques très proches de celles que l’on observe chez l’homme. Bien évidemment, on ne peut pas en conclure que ces mutations, à elles seules et en conditions normales, sont la cause du vieillissement chez l’homme mais il n’en reste pas moins que ce modèle est idéal pour l’étude de l’implication des radicaux libres dans ces phénomènes, et pour tester différentes thérapies ciblées sur tous les mécanismes tournant autour de l’homéostasie bioénergétique, de l’apoptose et de la mort cellulaire.

Références

  1. Corral-Debrinski M, Horton T, Lott MT, et al. Mitochondrial DNA deletions in human brain : regional variability and increase with advanced age. Nat Genet 1992; 2 : 324–9. [Google Scholar]
  2. Lightowlers RN, Jacobs HT, Kajander OA. Mitochondrial DNA-all things bad ? Trends Genet 1999; 15 : 91–3. [Google Scholar]
  3. Trifunovic A, Wredenberg A, Falkenberg M, et al. Premature ageing in mice expressing defective mitochondrial DNA polymerase. Nature 2004; 429 : 417–23. [Google Scholar]
  4. Foury F, Vanderstraeten S. Yeast mitochondrial DNA mutators with deficient proofreading exonucleolytic activity. EMBO J 1992; 11 : 2717–26. [Google Scholar]

© 2004 médecine/sciences - Inserm / SRMS

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