Recette pour publier ad libitum concoctée par Science (brèves ; 28/01/2014)

Recette pour publier ad libitum concoctée par Science © Christophe Boudry

Tout d’abord créer une fausse banque de données du type chimiothèque pour vendre la poudre de pirlimpimpin. Donner naissance de toutes pièces à un auteur au nom exotique (Swahili mâtiné d’une autre langue africaine), accessible par messagerie électronique et fier de son titre de Professeur travaillant dans un laboratoire tout aussi inexistant. Trouver un titre de manuscrit : « Effet du perlimpinpin (de la chimiothèque) sur la protection des cellules C contre le cancer ». Tracer des courbes doses/réponses, indépendantes de la dose mais astucieusement présentées en jouant sur les échelles. Aller bien au-delà des résultats et de l’éthique pour prétendre mettre au point une nouvelle thérapie anticancéreuse. Oups, j’allais oublier un ingrédient ! Bien insister sur le manque de maîtrise de l’anglais scientifique en traduisant le texte en français pour repasser en anglais (vive le traducteur automatique). Le rata est maintenant prêt pour que les experts scientifiques en apprécient les qualités en soumettant le manuscrit à 304 journaux à accès libre [1]. Que croyez-vous qu’il arrivât ? Quelques-uns exigeaient le paiement de frais immédiatement ; beaucoup demandaient des modifications cosmétiques (photos, formats) avant publication (et paiement !) sans toucher aux aberrations accumulées dans le manuscrit. In fine, la majorité des journaux avaient accepté (151), une importante minorité (98) avaient refusé et le restant avait disparu ou n’avait pas pris de décision. L’auteur fictif retirait son article s’il était accepté en arguant des erreurs de conception et la non-reproductibilité des résultats. Le pire dans cette affaire est qu’outre les éditions prédatrices, des maisons réputées sérieuses sont tombées dans le piège et se sont justifiées par des arguments dilatoires ; même un respectable éditeur en chef (FRS, etc.) s’y est brûlé les doigts et davantage. Bien entendu, ceux qui avaient fait un vrai travail d’évaluation s’en sont vantés. On connaissait les grades militaires attribués à titre fictif, on savait que parfois les scientifiques « forçaient » les résultats mais ici, c’est le système de la cavalerie qui est mis en oeuvre (payez… publiez). Au fait, n’existe-t-il pas des officines qui fournissent des thèses clés en main ?

Jacques Haiech
Raoul Ranjeva

Laboratoire d’innovations thérapeutiques, Illkirch, France
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Référence

  1. Bohannon, J. Science 2013 ; 342 : 60-5.