L’amour à mort chez les Argiopes (22/02/2013)

L’amour à mort chez les Argiopes Argiope bruennichi
© Simone Gilgenkrantz

Le comportement des araignées est une source de méditation permanente [1]. L’argiope fait de sa toile une oeuvre d’art originale [2] tandis le pisaure mâle s’ingénie à trouver pour sa partenaire des cadeaux savoureux [3]. Mais, comme la pisaure, la femelle argiope use d’une pratique éthiquement condamnable : elle dévore le mâle après l’accouplement. Ce cannibalisme sexuel, très fréquent chez les araignées, peut se faire avant, pendant ou après la copulation. Dans le cas des argiopes, le cannibalisme se produit aussitôt après la copulation. Si la femelle est grosse et vierge, à plus forte raison si elle a produit des phéromones, surtout au début de l’été, le mâle a toutes les chances d’être dévoré. Il est probable qu’il aura assuré son rôle reproducteur, et ce de façon monogyne. Une étude récente menée par deux biologistes allemands a montré toutefois que les mâles de l’espèce Argiope bruennichi pouvaient avoir une « seconde chance » [4]. En effet, lors de l’accouplement, le mâle peut n’introduire qu’un seul de ses deux bulbes copulatoires situés au bout de ses pédipalpes et l’abandonner in situ pour s’échapper au plus vite. Bien qu’amputé, il a encore la possibilité de copuler une seconde fois. Mais qui doit-il choisir ? La même partenaire en utilisant son pédipalpe subsistant, ou une autre femelle ? Dans ce cas, lui faut-il préférer une vierge ou une femelle ayant déjà copulé ? Celle-ci pourrait éventuellement n’être pas fécondable si l’ouverture de l’épigyne est obstruée par un fragment de pédipalpe laissé par un précédent partenaire. Le dilemme valait bien la création d’un modèle théorique stochastique prenant en compte toutes les éventualités. Il en résulte que les mâles ne rejettent presque jamais les femelles vierges. S’ils se sont déjà accouplés, ils deviennent plus difficiles dans leur choix, sauf à la fin de la saison où aucune femelle n’est plus rejetée. Les auteurs en concluent que dans certaines circonstances, monogynie et bigynie peuvent coexister, l’évolution ne se ferait pas obligatoirement vers la monogynie. Mais ce modèle théorique doit être vérifié en pratique et sur plusieurs espèces d’araignées cannibales, car il ne corrobore pas les études faites précédemment [5].

Simone Gilgenkrantz
médecine/sciences
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Références

  1. Gilgenkrantz S. Med Sci (Paris) 2003 ; 19 : 39.
  2. Gilgenkrantz S. Med Sci (Paris) 2010 ; 26 : 923.
  3. Gilgenkrantz S. Med Sci (Paris) 2012 ; 28 : 162.
  4. Fromhage L, Schneider JM. Ecol Evol 2012 ; 2 : 2572-82.
  5. Uhl G, et al. Zoology 2007 ; 110 : 398-408.