Le génome d’Emiliana (brèves ; 30/09/2013)

Le génome d’Emiliana © Creative Commons

Parmi les milliers d’espèces de coccolithophoridés - ces algues unicellulaires constituant le nanoplancton, présentes dans les mers depuis plus de 200 millions d’années - Emiliana huxleyi est une des plus abondantes et des mieux étudiées. Elle doit son nom à Thomas Huxley, l’ami de Darwin, et son prénom, si l’on peut dire, à Cesare Emiliani, né une centaine d’années plus tard. Emiliana huxleyi participe à la photosynthèse océanique et donc à la production de 1’oxygène de la Terre. Elle joue aussi un rôle important dans le cycle du carbone et possède un élégant squelette : la coccosphère, composée d’éléments arrondis, les coccolithes. Quand ces algues unicellulaires se multiplient dans l’océan, celui-ci devient laiteux et quand elles meurent, les microsquelettes calcaires sédimentent en boues crayeuses. Bien qu’en 2005, des chercheurs de College Park (Maryland University, MD, États-Unis) aient décrypté le génome mitochondrial de ce protiste appartenant à la lignée des haptophytes 2/1 [1], son génome nucléaire était inconnu : jusqu’à présent aucun génome d’haptophyte1 n’avait été séquencé. Un consortium international (comprenant des équipes françaises de l’INRA, du CNRS, de l’UPMC, de l’ENS et de l’Inserm) vient de publier dans Nature la séquence du génome d’Emiliana huxleyi et de l’analyser [2]. Pour ce faire, les chercheurs ont utilisé 13 souches de cette espèce (certaines venant de la collection de la station biologique de Roscoff qui contient plus de 500 souches Emiliana). Le séquençage a été réalisé au Department of Energy du Joint Genome Institute (États-Unis). Le génome d’Emiliana huxleyi est vingt fois plus petit que Ie génome humain (141Mb) mais il contient pourtant 1/3 de gènes en plus, dont un grand nombre est totalement inconnu dans les bases de données actuelles. Fait étonnant, les 13 souches n’ont en commun qu’environ 75 % de leurs gènes et 25 % des gènes ne sont présents que dans certaines souches. Une telle proportion de gènes spécifiques de souches est assez surprenante pour un organisme eucaryote sexué et atteste une grande capacité d’adaptation. Ce type de génome « permutable » dans un « pan-génome » est caractéristique des bactéries et des archées. Nul doute que l’analyse des gènes inconnus apportera de nouvelles données importantes en génétique moléculaire. Et pendant ce temps, la goélette Tara, partie en mai de Lorient, fait le tour de l’arctique pour étudier in situ le phytoplancton.

1 Les haptophytes sont des protistes possédant un appendice filiforme appelé haptonème.

Simone Gilgenkrantz
médecine/sciences
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Références

  1. Sanchez MV, et al. DNA Res 2005 ; 12 : 151-6.
  2. Read BA, et al. Nature 2013 Jun 12. doi : 10.1038/nature12221.