Lgr5 et cellules souches hépatiques (brèves ; 04/04/2013)

Michèle Cazillis
L’équipe de Hans Clevers (Utrecht, Pays-Bas) s’est souvent illustrée dans l’identification et la caractérisation des cellules souches intestinales. Sa dernière publication, commise dans la revue Nature dont il est coutumier, s’attaque cette fois aux cellules souches hépatiques [1]. La régénération d’un foie normal, par exemple après résection hépatique, est normalement assurée par les hépatocytes eux-mêmes, cellules parenchymateuses pourtant différenciées à l’état basal. En revanche, en conditions de nécrose aiguë, d’hépatopathie chronique ou chez le rongeur soumis à certains régimes (MCDE pour methionine choline-deficient diet ou DDC pour 3,5-dietoxycarbonyl-1,4-dihydrocollidine), la prolifération de cellules progénitrices bipotentes localisées dans la région périportale a été décrite. Celles-ci présentent une activation de la voie Wnt. Cependant, l’absence de marqueurs spécifiques de ces cellules rend leur identification délicate. Or, Lgr5 (leucine-rich-repeat-containing G-proteincoupled receptor 5) est un marqueur de cellules souches intestinales et également une cible de la voie Wnt canonique. L’équipe hollandaise a donc voulu tester le devenir des cellules exprimant ce marqueur en conditions d’induction de cellules progénitrices ou ovales. Les auteurs ont utilisé une approche de lignage classique utilisant des souris double-transgéniques exprimant une recombinase cre inductible par le tamoxifène sous la dépendance du promoteur endogène du gène Lgr5 (souris knock-in Lgr5-ires-CreERT2) et porteuses d’un gène « floxé » codant pour la bêta-galactosidase (Rosa26R). Lorsqu’on administre du tétrachlorure de carbone aux animaux transgéniques, ou un régime MCDE ou DDC, de petites cellules bleues en prolifération sont détectées dans la région périportale très rapidement après l’injection de tamoxifène. En culture organotypique, ces cellules peuvent être maintenues vivantes de nombreux mois. Elles expriment des marqueurs des lignages à la fois biliaire et hépatocytaire et, en milieu spécifique, se différencient en hépatocytes ayant toutes les caractéristiques fonctionnelles requises pour mériter ce nom : accumulation de glycogène, expression de certains cytochromes p450 et capture des LDL. Qui plus est, injectées chez la souris tyrosinémique, modèle bien connu de repeuplement hépatique, elles colonisent partiellement leur foie. Cependant, quand des hépatocytes fraîchement isolés repeuplent un foie de souris tyrosinémique à hauteur de plus de 30 % en moins de 3 mois, empêchant la mort de l’animal, les cellules Lgr5+ atteignent à peine 0,1 % et ce dans une minorité de souris en prolongeant seulement d’un peu leur survie. Cette comparaison grevant le potentiel thérapeutique de ces cellules pourrait conduire à plagier Shakespeare en concluant « much ado about nothing ? ». On peut néanmoins désormais compter Lgr5 au palmarès des marqueurs de cellules progénitrices hépatiques !
Hélène Gilgenkrantz
Inserm U1016-CNRS UMR 8104,
Institut Cochin, Paris, France
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Références
- Huch M, et al. Nature 2013 ; 494 : 247-50.