Où se cache Mycobacterium tuberculosis pendant les périodes de latence ? (brèves ; 17/01/2013)

Mycobacterium © Inserm
Priscille Brodin

La tuberculose est une cause majeure de morbidité et de mortalité dans le monde. Environ un tiers de la population mondiale est porteur d’une infection latente par Mycobacterium tuberculosis (Mtb), mais il n’y a réactivation que dans environ 10 % des cas. Où se cache donc la bactérie et comment évitet- elle la surveillance immunitaire [1] ? Les réactivations (15 %) surviennent dans des sites extra-pulmonaires, sans tuberculose pulmonaire active. Un travail de l’Université de Mexico détecte Mtb dans le tissu pulmonaire normal ou le tissu adipeux, chez des sujets qui ne sont pas tuberculeux, suggérant une réactivation extra-pulmonaire et une migration ultérieure des bactéries [2]. L’analyse histopathologique a été couplée à la recherche d’ADN et d’ARN Mtb dans divers tissus (foie, rein, rate et poumon) chez des sujets dont le décès n’était pas dû à une tuberculose. Une équipe française avait déjà détecté Mtb par PCR et immunohistologie dans divers tissus adipeux, accumulé dans des inclusions lipidiques cytoplasmiques sous une forme non réplicative insensible à l’isoniazide [3]. L’étude mexicaine révèle l’existence d’ADN Mtb dans le poumon, la rate et le rein, sans anomalie histologique de type granulome, et identifie 42 génotypes différents. La viabilité des échantillons est prouvée par la présence dans 8 cas sur 10 d’ARN ribosomal (16S ARNr). Chez des sujets non malades testés (84 %), l’ADN Mtb est détecté dans le poumon, la rate, le rein et le foie. Les macrophages et les cellules endothéliales sinusoïdales de la rate sont positives, ainsi que les cellules de Kupffer et les cellules endothéliales du foie, et les cellules épithéliales du rein. Le typage moléculaire identifie 43 génotypes différents. Toutes ces cellules sont exposées à la circulation, et Mtb serait phagocyté et disséminé par le système mononucléé. Qu’en est-il dans les autres tissus ? les réactivations partent-elles des sites explorés ? La présence de plusieurs génotypes chez un même individu suggère des infections sporadiques, et l’absence de protection conférée par une souche contre une autre infection. La viabilité de tous ces organismes Mtb est mise en évidence par la présence de facteurs acr et icl associés à la période de dormance et réactivés ; Mtb utilise les acides gras comme source de carbone. On a donc établi que Mtb survit dans des tissus normaux, pulmonaires et extra-pulmonaires, puis est disséminé au cours d’un processus infectieux via la circulation.

Dominique Labie
Institut Cochin, Paris, France
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Références

  1. Parrish NM, et al. Trends Microbiol 1998 ; 6 : 107-12.
  2. Barrios-Payàn J, et al. J Infect Dis 2012 ; 206 : 1194-205.
  3. Neyrolles O, et al. PLoS One 2006 ; 1 : 1-9.