L’envol des biosimilaires (brèves ; 11/10/2012)

L’envol des biosimilaires

Produire un médicament générique, c’est-à-dire copier une molécule chimique, est un processus maintenant bien établi, et les compagnies qui s’en sont fait la spécialité (Teva, Ranbaxy, etc.) font de si bonnes affaires que les grands groupes pharmaceutiques ont créé leurs propres marques de génériques (par exemple Sandoz pour Novartis). Mais le paysage est tout autre lorsqu’il s’agit de produire un biosimilaire - une hormone humaine ou un anticorps monoclonal (Acm) humanisé - ayant, selon la définition de l’Organisation mondiale de la santé, les mêmes garanties de qualité, sécurité et efficacité que le bioproduit de référence déjà sur le marché. De fait, comme J. Biot et al. et F. Lackner et al. le discutaient dans le numéro thématique « Anticorps monoclonaux en thérapeutique » publié par médecine/sciences en 2009 [1, 2], les agences sanitaires dont dépendent les autorisations de mise sur le marché sont encore à la recherche d’un corpus règlementaire précis en matière de biosimilaire : quels essais cliniques, quelles exigences de contrôle de qualité ? Le dernier « concept paper » de l’European medicine agency lancé en novembre 2011 restant encore en discussion.

Le premier biosimilaire approuvé et commercialisé sur le marché européen ne date que de 2006 et portait sur l’hormone de croissance (aujourd’hui commercialisée par plusieurs firmes dont Sandoz et Teva). À ce jour, 14 hormones humaines sont disponibles sous forme de biosimilaires, parmi lesquelles l’érythropoïétine et le granulocyte colony-stimulating factor (Sandoz et Teva). Mais le domaine des Acm restait encore vierge même si la veillée d’armes était annoncée, par exemple par Merck créant en 2008 Merck Bioventure qui a récemment annoncé avoir sept programmes en cours de développement. C’est dans ce contexte que la décision du 23 juillet 2012 de la Food and drug administration (FDA) de Corée du Sud apparaît comme une première. Elle a autorisé la firme sud-coréenne Celltrion à mettre sur le marché coréen le Remsima ou CT-P13, un Acm biosimilaire du Remicade ® (infliximab) de Johnson & Johnson’s dont le brevet arrive à échéance en 2014. Nos lecteurs se souviennent que l’infliximab fut le premier Acm anti-TNFalpha (tumor necrosis factor) autorisé dans le traitement de la polyarthrite rhumatoïde au début des années 1990 [3]. Les brevets vont tomber rapidement pour d’autres Acm et le marché des Ac biosimilaires va aiguiser les appétits. D’après l’organisation Global Data basée à Londres, le marché des biosimilaires pourrait atteindre 4 milliards de dollars annuels en 2017. En 2011, 36 % du marché des bioproduits étaient tenus par des compagnies basées aux États-Unis, et la FDA américaine ne semble pas très pressée d’adopter des règles en matières de biosimilaires, au contraire des Européens qui détiennent aujourd’hui 22 % du marché des bioproduits. L’Asie pourrait ici encore prendre la tête du groupe.

Hervé Chneiweiss
Centre de psychiatrie et neurosciences
U894 Inserm/Université Paris Descartes, Paris, France
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Références

  1. Biot J, et al. Med Sci (Paris) 2009 ; 25 : 1177-82.
  2. Lackner F, Behr-Gross E. Med Sci (Paris) 2009 ; 25 : 1183-6.
  3. Semerano L, Boissier MC. Med Sci (Paris) 2009 ; 25 : 1108-12.